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sonner, adieu les bijoux, les vêtemens précieux, les luxueuses parures ; riches et pauvres s’enveloppent en public d’une grande pièce de laine qui, de leur visage, ne laisse entrevoir que le regard ; chez elles, elles portent une simple tunique de cuir ou de lin, qui ne se recommande guère par l’élégance, ni même par la plus vulgaire propreté. Les femmes du peuple et surtout les femmes des paysans se coiffent en plein air d’un grand chapeau de paille, qui leur donne un aspect repoussant. Les unes et les autres se teignent non-seulement les cheveux et les ongles ; avec le suc de certaines herbes sauvages, elles se font tracer comme des tatouages sur les mains, les bras et les pieds. Mêlant et pilant ensemble le brou des noix encore vertes avec l’écorce de la racine même du noyer, quelques-unes composent un liqueur jaunâtre qui imprime à leurs dents et à leurs lèvres la couleur éclatante du safran.

Pour les Marocaines des villes, c’est le dernier degré de l’éducation que de savoir broder à la soie ou à l’or des emblèmes et des devises qu’elles réservent pour leurs maris ou pour leurs amans. Presque toutes n’ont d’autre occupation que de filer au rouer. Bien loin, l’intérieur de l’Afrique, jusque par-delà le désert, on vante beaucoup la délicatesse de leur fil de laine ou d’estame. Les femmes pauvres passent leur vie aux champs, à cultiver la terre, à garder les troupeaux, à cueillir des herbes ou des racines, à ramasser du bois mort, qu’elles viennent vendre à la porte des mosquées. Dans aucune famille, pas même dans les plus puissantes maisons, on ne se met en devoir de leur apprendre a lire ou a écrire, ni rien enfin de ce qui leur pourrait élever et former l’esprit On croit faire assez pour leur éducation morale et religieuse, quand on les empêche, non par des considérations de vertu ou d’honneur, mais par la terreur et les mauvais traitemens de manquer à leurs devoirs d’épouses. La condition des femmes au Maroc est la plus odieuse qui se puisse imaginer ; l’adultère est puni de mort, et jusqu’au moindre soupçon d’adultère ; aux termes de la loi, le mari peut répudier sa femme, en exposant au cadi ses motifs et même sans se donner la peine de s’expliquer. Les musulmans d’Afrique se sont plus scrupuleusement conformes que ceux d’Asie, il faut le reconnaître, au conseil du prophète qui engage les croyans à ne pas épouser plus de quatre femmes. Il y a plus, aujourd’hui même, sauf l’empereur, les pachas, les grands personnages, on trouvera fort peu de polygames au Maroc ; mais tout le monde y prend des concubines qui, dans la famille, occupent à peu près la même position que la femme légitime Dès les premiers jours de leur précoce vieillesse, ces concubines sont abandonnés, comme si jamais on n’avait éprouvé pour elles le moindre sentiment de tendresse ; c’est à peine si leurs propres enfans leur conservent encore, non pas du respect, non pas de l’amour, mais seulement un peu de pitié. C’est alors un hideux spectacle que de voir ces pauvres créatures, rebutées et dégradées, exagérer tous les vices de la nature féminine, inquiètes et gloutonnes, s’adonnant sans réserve à la luxure cynique, à celle qui ne se peut nommer, ne s’occupant guère que de désunir par de continuelles médisances et d’armer les uns