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attaquaient aussi les principes nouveaux avec des armes qu’ils empruntaient tant à la religion catholique qu’à l’ancien droit de la monarchie française. Mais le moment arrivait où le parti royaliste ne devait plus tant s’occuper d’écrire que de conspirer ; les intrigues eurent alors le pas sur les théories. La clôture de la convention avait relevé les espérances de la cause monarchique : on crut dans les rangs des royalistes à une restauration prochaine. La liberté de la presse existait alors sans limites, mais aussi sans garanties : les royalistes purent s’en servir pour travailler au rétablissement des Princes, et la révolution à son tour put d’un seul coup abattre ses ennemis audacieux ou perfides. Tel fut en effet le dénouement du 18 fructidor. Plus de cinquante journaux, dont les plus connus étaient la Quotidienne, le Véridique, l’Éclair, le Postillon, etc., attaquaient la révolution et s’autorisaient des excès de 93 pour calomnier les principes de 89 « Les journalistes conspirateurs, disait Bailleul au conseil des cinq cents, dans le rapport qu’il rédigea deux jours après le 18 fructidor, ont été le fléau de la république : ils ont prêché, soufflé dans tous les cœurs l’insubordination aux lois, la destruction, de toute morale et des réputations les mieux établies, la soif des vengeances l’exaspération des haines, l’horreur pour la république, le désir criminel de la royauté ; ils ont constamment travaillé à la dissolution du corps social. » Les écrivains royalistes de cette époque avaient entrepris de se servir de la liberté pour tuer la révolution, qui, au moment du péril, retrouva toutes ses forces et toutes ses colères. La presse avait conspiré, le pouvoir se fit proscripteur.

En s’ouvrant, le XIXe siècle vit la France entrer en possession des deux plus grands biens dont puisse jouir une société, l’ordre et la gloire. La révolution s’enracinait tant en France qu’en Europe par des institutions régulières, des lois excellentes et des victoires décisives. A ce spectacle, il y eut chez les royalistes une méprise singulière. Ils prirent un moment Bonaparte pour un autre Pichegru, ils s’imaginèrent avoir trouvé dans le premier consul un puissant instrument de restauration. Il est vrai que l’illusion dura peu, et elle était déjà bien dissipée quand le principal rédacteur de la Quotidienne, M. Michaud, écrivit les Adieux à Bonaparte. C’était à ses espérances que disait adieu le royaliste déçu. Il gémissait de voir que le rôle de Monck était déjà trop petit pour le glorieux général qui habitait aux Tuileries la chambre de Louis XVI, et il reconnaissait enfin qu’au 18 brumaire ce n’était pas l’ancienne monarchie qui s’était relevée, mais la république qui s’était faite homme.