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Le parti national, sous la restauration, était bonapartiste ou militaire ; depuis 1831, il a perdu toutes ses velléités belliqueuses, et il est devenu réformiste. C’est lui qui dirigeait la révolution de l’Italie centrale, se fiant exclusivement au principe de la non-intervention : quand il fut abandonné, il passa de l’extrême confiance à l’extrême découragement. On l’accusa dans toute l’Italie d’avoir trahi la cause de la révolution par son incapacité : bientôt justifié par l’impuissance du parti démocratique, il s’est relevé depuis 1834. Ne pouvant pas espérer une insurrection, il contemple en silence, avec un naïf orgueil, les deux armées nationales de Naples et du Piémont ; ne pouvant pas espérer des constitutions octroyées par des princes italiens, il se tourne vers l’industrie, le commerce, la littérature. On l’a vu encourager les études classiques, prodiguer les sympathies aux hommes de lettres, s’exposer dans les dangers du choléra-morbus, s’intéresser aux chemins de fer comme à une œuvre politique. Les congrès scientifiques italiens tiennent à ce mouvement réformiste. Subissant l’empire de l’opinion, le gouvernement piémontais accordait des codes, améliorait la situation de la Sardaigne (1836-37), protégeait une littérature terne, officielle, inoffensive, d’où sortent cependant, par un hasard exceptionnel, les travaux philologiques et scientifiques de MM. Plana, Peyron, Gorresio, Gazzera. Le duc de Modène et le roi de Naples ont accueilli des savans ; l’Autriche elle-même renouvelait en 1838 l’institut de Milan, et fondait l’institut de Venise. Pourquoi les princes s’opposeraient-ils aux réformistes ? Le libéralisme est tenu en laisse par ces lentes et pacifiques innovations ; il dépense une violente énergie en de petites choses et oublie les soulèvemens. Au reste, les réformistes. prêchent contre l’émeute, et se contentent de détester l’Autriche ; ils voudraient se rapprocher à tout prix des princes italiens, et ne demandent qu’à les voir indépendans de la cour de Vienne ; mais le clergé et la noblesse entraînent sans cesse l’absolutisme italien à de nouvelles violences, et les réformistes, malgré leurs aspirations vers un despotisme national et éclairé, malgré leur modération éprouvée en 1831, malgré toutes leurs idées pacifiques et bourgeoises, sont jetés sans cesse dans les conspirations. Néanmoins, si le parti se dissolvait à force de se rapprocher des gouvernemens, il se reconstituait, d’un autre côté, par une nouvelle génération de conspirateurs, plus jeune, plus ferme, instruite par l’échec de 1831, prête également à défendre ou à prévenir, selon que l’exigerait la prudence, une insurrection constitutionnelle. Ce parti a renouvelé depuis 1831 le carbonarisme, il a réformé ses principes, ses grades et ses emblèmes.

Le parti démocratique a été relevé tout d’in coup par la révolution