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les gouvernemens. » Malgré ces cris de détresse, malgré ces sinistres paroles, toujours on a fini par renaître à l’espoir, toujours les conspirations ont recommencé, et avec elles de nouveaux combats, de nouvelles réactions auxquelles les populations ont assisté avec la même indifférence. L’apathie des peuples italiens, l’activité malheureuse des conspirateurs, la cruauté infatigable des gouvernemens, l’héroïsme des victimes, la faiblesse des combattans, tout étonne au-delà des Alpes. L’Italie est un pays d’exception. Pour l’expliquer et pour apprécier les forces actuelles du parti libéral, il faut remonter à l’époque où il a été légalement constitué par la révolution française.

Avant 1789, il y avait en Italie quatre espèces de gouvernemens : la domination autrichienne dans les duchés de Milan et de Mantoue, la théocratie dans les États Romains, la république du moyen-âge à Venise, à Gênes, Lucques et à Saint-Marin ; le reste de l’Italie était soumis à des princes indépendans. De là quatre influences distinctes qui se croisaient sur tous les points de la péninsule. L’Autriche, au commencement du XVIIIe siècle, avait essayé de ressusciter en Italie toutes les prétentions impériales des anciens temps ; plus tard, Joseph II fondait la bureaucratie autrichienne, se déclarait le premier employé de l’état, et se mettait ainsi à la tête d’un mouvement hostile à la féodalité et au clergé. Suivant une impulsion qui d’ailleurs venait de la France, les ducs de Parme et de Modène combattaient les prétentions de l’église et les privilèges de l’aristocratie ; le grand-duc de Toscane donnait un code à ses états, et soutenait l’évêque de Pistole contre le saint-siège. Dans les républiques, le patriciat s’était emparé du gouvernement, identifié avec l’état, et la démocratie ne trouvait pas même l’appui douteux du despotisme éclairé. Venise avait acquis la conscience qu’il ne lui était possible, ni de se réformer, ni de durer, et qu’elle devait périr avec l’inquisition et le conseil des Dix. Gênes restait immobile après le violent effort de ses plébéiens contre les troupes impériales ; Lucques était encore protégée par des juges étrangers et par la censure antique du Discolat, sorte d’inquisition demi-politique, demi-religieuse. Les deux monarchies italiennes faisaient exception, même parmi les princes italiens. La monarchie piémontaise, en opposition à l’Autriche, se piquait d’être dévote et féodale : sa population ne voulait être ni italienne, ni française ; son roi, Charles-Emmanuel, faisait plus de cas d’un tambour que d’un savant, et le Piémont ne conservait son attitude militaire qu’au prix d’une dette publique de 120 millions. Le gouvernement de Naples résumait tous les extrêmes de la civilisation et de la barbarie : on le voyait, d’une