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Il y avait aussi des excentriques, auxquels il fallait bien à la longue s’habituer. « Nous sommes continuellement exposés aux vaines illusions et aux raisons extravagantes de certains esprits fertiles en chimères, que la seule coutume nous rend supportables, et nous imitons en cela ces peuples qui demeurent auprès des cataractes du Nil et qui deviennent insensibles au bruit dont les étrangers seraient étourdis en un moment[1]. » Voilà bien l’effet assourdissant que produit, à la première audition, notre bruyante littérature. Ailleurs Gombauld est plus vif encore et touche à la crudité :

Il n’est que de vivre à la mode
Je vous en dirai la méthode :
Soyez toujours bien habillé,
Mais soyez toujours débraillé
Courbez-vous et portez l’image
D’un infame libertinage.
Faites gloire d’être ignorant,
Ne parlez jamais qu’en jurant
Que votre brutale arrogance
Choque partout la complaisance ;
En méprisant jusqu’à l’honneur
Faites le maraud en seigneur.


Voila une recette excellente. Cette peinture des libertins de Louis XIII ne s’applique-t-elle pas merveilleusement à la muse à la fois bien habillée et débraillée d’aujourd’hui, à tous ces dévergondages insolens de la plume à toute cette littérature industrielle qui cache ses allures de sacripant sous l’aristocratie des dehors ? Hélas on avait déjà tout inventé dans ce temps-là, et le lecteur d’alors avait commencé son rôle de dupe. On le faisait même, tout comme en 1844, croire à des réimpressions imaginaires. Lisez plutôt ce dialogue piquant que je rencontre dans le Carpenteriana :

M. DE FREDEVILLE

Pour en faire six éditions consécutives, il n’y a qu’à changer le premier feuillet.

LE LIBRAIRE

Ah ! Ah ! monsieur, vous savez tous nos secrets.

M. DE FREDEVILLE

Oui je sais tous les secrets dont les auteurs se servent pour établir leur

  1. Lettres de Gombauld ; Paris, 1647, in-8o, p. 34.