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se couvrent la tête de plumes d’aigles noires ou blanches, et laissent retomber en arrière et pendre jusqu’à terre de magnifiques panaches. Afin d’avoir une entière liberté de mouvemens, ils gardent le haut du corps nu, sauf un baudrier de peau de loup passé en sautoir. Assis sur des housses de peaux de panthères doublées d’écarlate, ils lancent au galop leurs chevaux couverts d’écume, qu’ils dirigent plutôt avec le fouet qu’avec la bride. La prairie couverte de ces sauvages combattans présente le spectacle le plus frappant et le plus original.

La guerre soudaine qui venait d’éclater entre les tribus qui occupaient tout le territoire, compris entre le fort Mackenzie et les Montagnes Rocheuses en rendait l’accès fort difficile. Un parti d’Indiens hostiles, campé dans la direction des chutes du Missouri, fermait, de ce côté, la route des montagnes. Le prince de Wied-Neuwied se vit donc contraint de renoncer au projet qu’il avait formé de passer l’hiver au cœur de la grande chaîne des Montagnes Rocheuses. C’eût été s’exposer à d’excessives fatigues et à une mort presque certaine, car, une fois échappé aux Indiens Assiniboins, on devait tôt ou tard rencontrer les partis d’Indiens du sang qui couraient le pays entre les trois sources du Missouri, et qui sont en état de guerre perpétuelle avec les blancs, dont ils estiment les scalps avant tout. L’année précédente, ces Indiens avaient tué cinquante-six blancs, traqueurs de castor ou chasseurs isolés ; ils en avaient tué jusqu’à quatre-vingts dans une saison ; cette année, plusieurs engagés avaient déjà succombé sous leurs coups. Le prince Maximilien se décida donc à ne pas pousser plus loin et à redescendre le Missouri. Le froid commençait à sévir quand il arriva au fort Clarke ; quatrième station du Missouri, où il s’arrêta pour passer l’hiver. Cette saison, sur le haut Missouri, est, comme nous l’avons dit, fort rigoureuse. Dès le 16 décembre, le thermomètre de Réaumur tomba 15 degrés au-dessous du point de congélation ; l’eau gelait dans les chambres, près du feu, et le Missouri ne présentait plus qu’une masse de glaces. Dans le lit, on n’osait éloigner les mains du corps, de peur qu’elles ne gelassent. Les Indiens revenaient de leurs incursions à demi perclus, et l’on était obligé, pour les ranimer, de les coucher devant le feu, enveloppés de couvertures. Le 2 janvier, le thermomètre indiquait 25 degrés de froid, et le 21 Janvier, 27 degrés. A la même époque, au Fort-Union, situé à quatre cent milles plus haut sur le Missouri, le thermomètre marqua 34 degrés au-dessous du point de congélation.

Ces froids excessifs et les privations de toute espèce altérèrent gravement la santé du prince Maximilien, qui fut sur le point de succomber