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village, Aricara, est un de ces tableaux complets auxquels rien ne manque, ni la couleur héroïque ni le trait familier. Washington Irving nous montre l’Indien dans toutes les situations de la vie. Infatigables dans leurs chasses, intrépides dans les combats, mais peut-être plus bruyans encore que braves, ces enfans de la nature sont, hormis ces deux occasions, d’une paresse qui passe toute croyance. Quand l’abondance et la paix leur permettent de rester au logis, tandis qu’ils sommeillent couchés à l’ombre, ou qu’accroupis sur les toits de terre de leurs cabanes ils causent de leurs chasses ou de leurs combats, leurs femmes sont chargées de tous les travaux du ménage, et se livrent aux occupations les plus pénibles. Loin de se plaindre de leur lot, elles revendiquent le travail comme un droit. La plus grave injure qu’une de ces femmes puisse adresser à une autre dans leurs disputes, c’est de lui dire : — Malheureuse ! j’ai vu ton mari qui portait du bois dans sa cabane pour allumer son feu ; où était donc son épouse, pour qu’il fût obligé de faire lui-même la femme !

Le récit de la première entrevue du prince de Wied-Neuwied avec un grand rassemblement d’Indiens aux environs des villages des Meunitarris rappelle les peintures les plus animées de Washington Irving. Le pyroscaphe aborda près d’un bois de saules, et le prince se trouva immédiatement entouré par une troupe nombreuse composée des Indiens les plus élégans des bords du Missouri. Les Meunitarris sont, sans contredit, les plus grands et les mieux faits de tous les Indiens qui vivent près de ce fleuve ; sous ce rapport, ainsi que sous celui de l’élégance des costumes, il n’y a que les Indiens Corbeaux que l’on puisse leur comparer ; peut-être même ces derniers les surpassent-ils pour le luxe des habits. Leurs visages étaient, en général peints en rouge avec du cinabre, usage commun aux Américains du nord, aux Brésiliens et à d’autres peuples de l’Amérique méridionale, leurs cheveux retombaient sur leur dos, partagés en tresses ou en queues ; ils portaient de longs cordons de grains de verre blancs ou azurés, entremêlés de coquilles de dentalium, et leur coiffure consistait en plumes fixées dans leurs cheveux. Leurs physionomies singulières trahissaient leur étonnement avec une remarquable mobilité d’expression. Tantôt c’était un regard droit et égaré, tantôt une curiosité sans bornes, tantôt une bonté naïve. La plupart de ces Indiens étaient nus jusqu’à la ceinture, et la belle peau brune de leurs bras était ornée d’éclatans bracelets de métal blanc. Ils tenaient à la main leur fusil, leur arc et leur tomahawk, et sur le dos ils portaient un carquois de peau de loutre, élégamment orné. Leurs leggings ou culottes de peau