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la moitié de l’armée russe. Pour renaître, la Pologne n’a besoin que d’obtenir des Kosaques, par une conduite plus fraternelle, l’oubli des injures passées.

L’empire russe, on le voit, se compose d’élémens très divers. Issu de l’Asie, il n’est, comme tous les états asiatiques, qu’une réunion de contrastes. De vastes provinces s’y vouent à l’industrie et aux fabriques, pendant que d’autres sont agricoles et produisent les matières premières. Aux laboureurs moscovites se mêlent des colonies d’artisans teutons ; aux Finnois pêcheurs et marins sont associées des tribus exclusivement marchandes ; le timide Livonien s’appuie sur l’altier Courlandais, et les Kosaques soldats se complètent par les Mongols pasteurs. Cette multiplicité de formes sociales, cette variété de populations, est ce qui fait la force morale de la Russie, ce qui la rend au plus haut degré apte à résumer toutes les idées, tous les siècles, et à représenter comme le demandent ses diplomates, l’Asie en Europe et l’Europe en Asie. Cependant cette haute mission que le cabinet russe arroge à son pays, c’est précisément ce cabinet lui-même qui rend la Russie incapable de l’accomplir. En effet, par suite de sa nature militaire, le gouvernement russe a pris aux états européens la centralisation administrative et cet esprit d’absolutisme égalitaire qui tend à tout niveler sous une loi unique. La cour de Russie, par ses idées, qu’elle décore du titre de napoléoniennes, s’éloigne donc essentiellement du système oriental, qui admet toutes les franchises municipales et le plus large provincialisme. Privé ainsi de l’avantage de représenter l’Asie en Europe, le cabinet russe aurait-il plus de droits à représenter l’Europe en Asie ? On peut également en douter, car l’Europe, que sa maturité intellectuelle rend nécessairement absolue sur le terrain des idées, est libérale dans ses institutions. La Russie au contraire, sous le système qui la gouverne actuellement, a perdu la plupart des institutions libres, dont elle était autrefois abondamment pourvue. C’est ainsi qu’un grand peuple se trouve réduit par son gouvernement à un rôle purement militaire, et perd entièrement sa haute destinée sociale.


VII.
DE L'AVENIR SOCIAL DES GRECO-SLAVES

Les cinq grandes nationalités qu’on vient d’examiner donnent, en y comprenant leurs annexes, un ensemble de 110 millions d’individus. Qu’on réfléchisse qu’il y a cinquante ans, le monde gréco-slave ne présentait peut-être pas la moitié de ce chiffre, que chaque année il