Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera temps, les concessions nécessaires ; mais jusqu’à ce que la Bohême soit arrivée à avoir une constitution, et à se gouverner comme la Hongrie, combien ne faut-il pas d’années encore ! En attendant, les sociétés patriotiques se multiplient : confiantes dans l’avenir, sûres de la légitimité de leurs vœux, elles travaillent au grand jour. C’est dans les bals, dans les concerts publics, dans les académies, sur les théâtres, que se manifeste, par les acclamations les moins équivoques, le progrès de l’esprit national. Un gouvernement sage ne peut laisser de pareils résultats sans réponse. Il faudra que le cabinet de Vienne reconnaisse bientôt une nation de plus dans son empire, ou bien il augmentera de sept millions d’hommes le nombre de ses ennemis intérieurs.

On ne peut nier cependant que le peuple tchéquo-slave ne soit une trop faible minorité ; pour se soutenir politiquement, seul en face de toute l’Allemagne, il lui faut un appui, un levier au sein du monde slave. Voilà pourquoi la Bohême se préoccupe tant du sort de la Pologne. En effet, réunies ensemble, ces deux nations n’auraient plus rien à craindre ni de l’Allemagne, ni de la Russie. La Pologne donnerait aux Tchèques les débouchés maritimes qui sont indispensables à tout grand état, et la Bohême enrichirait ses alliés polonais des fruits de sa puissante industrie Il y a déjà un pays ou les deux nationalités latines du monde slave se trouvent presque confondues : c’est la Silésie. Cette malheureuse province si indignement exploitée par ses maîtres, cette Silésie, qu’on croyait devenue tout allemande, s’est réveillée slave. Moitié tchèque et moitié polonaise par son langage, elle lit maintenant les journaux des deux peuples, et se mêle avec ardeur aux questions débattues par eux. Appuyée sur Prague et sur Posen, la Silésie commence à vivre d’une vie nouvelle. Tous ces résultats sont dus à la dernière révolution de pologne. Les malheurs qui ont accablé la nation polonaise, loin d’affaiblir sa puissance morale, n’ont fait que la grandir, et aujourd’hui le plus persécuté d’entre les peuples slaves est celui qui exerce parmi eux la plus active influence.


V.
LES POLONAIS

Les Lèques ou Polonais sont évalués, dans les statistiques russes, à neuf millions et demi d’individus, dont 5,000,000 dans la tsarie de Pologne, la Volhynie, la Podolie, l’Ukraine, 2,431,000 en Autriche, 2,000,000 en Prusse ; enfin 130,000 dans l’état de Cracovie. C’est ce chiffre que l’oppression a fait descendre un peuple qui compta