Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
REVUE DES DEUX MONDES.

drait une main plus ferme que celle de notre gouvernement pour l’arrêter dans cette carrière de succès.

On avait annoncé l’envoi de M. le baron Deffaudis à Bruxelles, avec mission de reprendre des négociations qui n’auraient pas dû être interrompues. Nous croyons que le gouvernement français a manifesté, en effet des dispositions conciliantes ; mais dans les préoccupations qu’entraînait le voyage de Windsor, il s’en est malheureusement tenu là. M. le ministre des affaires étrangères ne rentre en France que demain ; M. le ministre du commerce se repose, depuis quinze jours, dans ses foyers, des émotions que lui donne toute perspective d’un arrangement commercial avec les pays voisins. Les négociations ne seront donc pas reprises immédiatement, et voilà ce que nous déplorons. La politique entreprenante du cabinet de Berlin devrait nous servir de leçon. Du moment où la lutte des influences, au lieu de s’établir sur le Rhin, se porte sur l’Escaut, nous ne sommes plus libres de nous abstenir, car il y aurait péril pour nous dans cette immobilité.


— Il vient de paraître une brochure assez singulière à Leipzig. Cette publication, qui a pour titre La Russie envahie par les Allemands, ne nous semble surtout digne d’attention que parce qu’elle émane évidemment du gouvernement russe. L’auteur anonyme de la brochure, quoiqu’il se prétende Français, est bien un sujet de l’empereur Nicolas, qui ne dit que ce qu’il a reçu l’ordre de dire. C’est précisément là ce qui fait la valeur de cet opuscule, assez mal écrit du reste ; on y voit avec quelle ténacité de dessein le gouvernement russe s’attache à rallier la grande famille des Slaves autour du trône du czar. Dans les principautés du Danube circulent des chansons écrites par des poètes moscovites qui rappellent aux Serbes, au Valaques, leur commune origine. C’est par des pamphlets qu’on attaque les provinces slaves soumises à la Prusse et à l’Autriche, mais, comme ces deux puissances ont déjà pris ombrage des menées sourdes de leur formidable voisin, les publicistes russes cherchent à donner le change aux Allemands, en les accusant à leur tour de vouloir envahir la Russie. Tel est le but de la nouvelle brochure ; aussi a-t-elle déjà fait sensation de l’autre côté du Rhin. Il est probable que le teutonisme ne laissera pas sans réponse cette attaque nouvelle du panslavisme impérial.



V. de Mars.