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les temps de tranquillité parfaite, et que la France, à peine sortie des troubles de la révolution, ne jouissait pas encore de cette tranquillité nécessaire. Ce qui ressort du moins de tout cela, c’est la nécessité claire, incontestable, de renoncer à fixer légalement le rapport de la valeur des deux métaux, l’or et l’argent. L’inconséquence de cette fixation est palpable, et les inconvéniens en sont reconnus. En supposant que les motifs qui la firent maintenir en l’an XI fussent alors valables, ils ne le sont plus aujourd’hui : il faut donc entrer dans une nouvelle voie, en faisant un retour aux vrais principes.

Mais, la nécessité de ce changement étant admise, il reste à savoir quel système on adoptera. Il semble qu’en France on n’en ait jamais imaginé ou compris qu’un seul, celui dans lequel, l’argent étant la seule monnaie régulière, l’or ne circule qu’à l’état de lingot. Il en existe un autre cependant, aussi régulier et peut-être plus sûr, puisqu’il est déjà consacré par l’expérience de l’Angleterre : c’est celui dans lequel, l’or étant choisi de préférence pour constituer la monnaie légale, l’argent circule, non pas à l’état de lingot, mais comme une sorte de monnaie de billon. Entre ces deux systèmes on peut opter car ils sont également praticables ; mais les conditions sous lesquelles ils peuvent exister sont différentes, et il faut les envisager nettement.

Si l’on adopte l’or comme monnaie, il ne faut pas songer à faire circuler l’argent à ses côtés, seulement à l’état de lingot ; il trouverait trop difficilement sa place. Les lingots ne peuvent guère avoir cours que dans le haut commerce, et être admis que pour des valeurs d’une certaine importance, qui justifient, par cette importance même, le travail de la vérification, ou le calcul assez compliqué que les lingots nécessitent toujours. Évidemment, ce n’est pas là le rôle de l’argent. Il est appelé, au contraire, à servir pour les menues dépenses journalières, à se diviser en faibles sommes, et à se répandre d’ailleurs dans toutes les classes. Pour un pareil emploi, l’usage des lingots, qu’il faudrait vérifier, ou dont il faudrait calculer la valeur à chaque paiement, serait un intolérable abus. Dans ce cas, il faudrait donc nécessairement revenir au système anglais, dont voici les principales conditions. L’or seul est admis dans les paiemens comme monnaie légale ; l’argent n’intervient que pour former les appoints, ou pour solder les faibles comptes ; toutefois, on l’accepte encore jusqu’à concurrence de 40 shillings, ou environ 50 francs. Dans ce système, la valeur nominale de l’argent par rapport à l’or est fixée par la loi, ce qui semble démentir ce que nous avons dit précédemment ; mais ce rapport légal