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que sous les erreurs spéculatives qui l’ont séduite, la philosophie de cette époque n’a pas, autant qu’il le paraît, méconnu les vérités essentielles et primitives noble apanage de la raison humaine. Elle explique mal quelquefois ce qu’elle conçoit très bien, et donne de faux systèmes pour appui à de vrais principes ; mais il suffit d’approfondir davantage, d’employer avec plus d’attention et de persévérance sa propre méthode, pour la rectifier, la compléter, lui rendre le trésor d’idées précieuses qu’elle a presque volontairement perdues. C’est le travail constant et fécond de la philosophie contemporaine. Elle se fait un devoir et honneur de restituer dans la science les principes même que la science avait laissé tomber ; elle n’est pas venue pour faire, même dans la pure théorie, une contre-révolution, mais, là aussi, pour assurer en l’épurant une révolution nécessaire, pour rétablir entre les principes et les conséquences une parfaite harmonie, comme la politique actuelle doit avoir pour but d’instituer un complet accord entre les faits et les idées. De là le droit que nous croyons avoir de juger nos devanciers en les honorant, de redresser souvent, selon nos forces, les maîtres dont cependant nous continuons l’œuvre et respectons la mémoire. C’est dans cet esprit que M. Peisse a su peindre et apprécier Cabanis, et nous avons imité son exemple.


CHARLES DE RÉMUSAT.