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Cette influence est un rapport, et certainement entre le physique et le moral existe un rapport général qui se montre sous des formes diverses par des symptômes multipliés. Or, comment cet ordre de phénomènes a-t-il pris universellement le nom de rapports ? comment est-il devenu l’objet d’une curiosité laborieuse ? C’est que naturellement, spontanément, on a trouvé ces rapports singuliers, bien que constans. La diversité des phénomènes physiques et moraux, on pourrait dire leur opposition, a paru une difficile question. Pour que les hommes, témoins à toute heure, que dis-je, sujets continuels de cette relation, de cette action mutuelle du physique et du moral, se soient préoccupés des moyens de l’expliquer, il faut qu’ils aient vu quelque différence, quelque contradiction entre les deux termes de l’équation, entre les deux données du problème. Ils ont pu s’étonner à tort, mais ils se sont étonnés qu’une chose comme le physique modifiât une chose comme le moral. L’antithèse entre les noms des deux principes est triviale ; elle est sans cesse dans la bouche de ceux qui voudraient ne les plus distinguer. Les médecins disent souvent : C’est le moral qui est attaqué, et alors ils ne disent pas : C’est le cervelet, ce sont les méninges, c’est telle ou telle partie du système nerveux. Ils n’entendent pas alors diagnostiquer la folie, une de ces maladies cérébrales qu’on appelle maladies mentales, car ils ne prescrivent aucun remède pour le cerveau ou pour les nerfs ; mais ils s’adressent à l’intelligence, conseillent la distraction, offrent les consolations de l’amitié, les conseils de la sagesse, les plaisirs de l’esprit. D’où leur vient donc cet empirisme qui néglige le siége, la cause organique du mal, pour ne s’adresser qu’au symptôme ? Tout étant physique, la souffrance et la tristesse ne sont que des symptômes, le mal du moral n’est qu’une altération nerveuse, et la vraie cause est matérielle. Pourquoi ne désignent-ils pas et n’attaquent-ils pas cette cause dans l’organe ou la portion d’organe affectée ? Pourquoi n’ordonnent-ils pas à l’ambitieux mécontent, au riche ruiné, à l’amant malheureux, à la mère désolée, quelque préparation officinale, quelque dérivatif ou sédatif propre à réparer le désordre organique ? Ce serait là pourtant la médecine rationnelle, celle qui s’attaque à la vraie cause de la maladie. Si tout est physique, on doit traiter tout physiquement. Ce traitement ne doit pas même se borner aux choses, les opinions, les sentimens, les penchans, ne sont que des états physiques, et que tous les corps de la nature sont des modificateurs de l’organisme, pourquoi ne pas essayer des remèdes contre ces sortes de symptômes organiques ? Qui sait si l’on ne guérirait pas de