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et notamment sur les extrémités. Elle est dans tout l’organisme, elle est l’unique source de tous les mouvemens organiques. L’irritabilité dont on a voulu faire la propriété générale de l’organisation, n’est qu’une conséquence de la sensibilité ; mais il faut distinguer la sensibilité de la conscience des impressions : elle en est indépendante. Les sensations ne sont pas seulement les impressions des sens mis en contact avec les choses extérieures. Il y a aussi des impressions internes reçues par les organes dont nous n’avons pas toujours conscience et qui déterminent en nous des mouvemens organiques de toute sorte, aperçus ou non par le moi. Or, comme ces impressions sont dues à la sensibilité des organes, il faut bien les appeler sensations ; et ce n’est qu’à la condition d’entendre ainsi le mot de sensation, que l’axiome qui dérive de la sensation toutes nos idées et toutes nos déterminations est vrai.

La sensibilité est donc répandue dans tous les organes ; mais elle réside spécialement et éminemment plutôt qu’exclusivement dans les nerfs des organes. Les nerfs sentent, mais le sentiment, c’est-à-dire la perception des sensations, a des organes particuliers ; c’est dans le centre commun des nerfs, c’est dans le cerveau, dans la moelle allongée et vraisemblablement dans la moelle épinière, qu’il faut chercher les principaux organe du sentiment. L’individu se détermine en général en vertu de ses perceptions. Toutefois, l’état des autres organes intérieurs, surtout des viscères des cavités de la poitrine et du bas ventre, les impressions qui y sont reçues, les modifications qui s’y accomplissent, agissent sur la manière de sentir, et sont la source d’un grand nombre d’idées et de déterminations. Avant la naissance même, l’enfant a reçu des impressions diverses, originaires de divers systèmes d’organes, et il en est résulté pour lui de longues suites de détermination, et de là des penchans, des habitudes. Le cerveau est le centre commun, mais il existe et dans certaines circonstances il se forme des centres partiels, des foyers différens de sensibilité, qui ont une vie propre, où les impressions se réunissent et sont tantôt réfléchies directement sur les organes du mouvement, tantôt transmises irrésistiblement au centre cérébral ; dans tous les cas, elles modifient les jugemens, les affections, les volontés. Ce qui distingue en général le cerveau ou plutôt la pulpe cérébrale, et médullaire du reste du système, et de l’organisme, c’est non-seulement de recevoir des impressions qui lui sont propres, mais d’avoir communication de celles des autres organes ; c’est d’exercer avec intensité le pouvoir de réaction sur soi-même pour produire le sentiment, sur ses impressions