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et substituer dans Gengis-Khan une peau de tigre véritable au taffetas chiné, conserva la coiffure à la française, avec les rouleaux et la poudre. Condamner la poudre en se présence de deux mille têtes enfarinées, n’était-ce pas, pour un acteur, jouer bien gros jeu ? Ce que n’avait pas osé faire Gengis-Khan, un humble chanteur l’essaya, non pas sans une certaine prudence diplomatique. Il devait jouer Hercule. Il se présente avec des flots de cheveux noirs répandus sur ses épaules, portant d’une main la redoutable massue, de l’autre une perruque poudrée à blanc. Son geste indique qu’il est tout prêt à revenir à l’ancienne mode, si le public l’ordonne. Un murmure approbateur lui fait comprendre que sa témérité est excusée. Reprenant aussitôt sa pose de demi-dieu, il rejette au loin la fausse chevelure, et la salle éclate en applaudissemens en voyant le nuage blanc qui s’élève lorsque la perruque tombe à terre. De ce jour, tout devint possible. Larive se fit coiffer à la Titus. ; Talma, inspiré par le peintre David, se rapprocha rigoureusement de la réalité, pour la forme et même pour la qualité les vieux Romains, les étoffes de luxe dans lesquelles on aimait à se draper. De notre temps, les études pittoresques tiennent une place trop grande peut-être dans l’éducation théâtrale. On voit sur toutes les scènes, même les plus infimes, des acteurs qui savent composer et porter les costumes historiques. Je voudrais pouvoir en dire autant des costumes du jour. Les recherches entreprises particulièrement par chacun des artistes ont un inconvénient ; ces costumes, qui peuvent être exacts isolément, ne s’accordent parfois pas plus entre eux qu’avec la décoration : il en résulte un bariolage disgracieux et fatigant pour l’œil du spectateur. Les bons décorateurs d’Opéra de la fin du siècle dernier avait pour maxime de considérer la scène comme un tableau mouvant où les tons doivent être assortis de même que sur la toile, et ils sacrifiaient la réalité douteuse des détails à l’harmonie de l’ensemble.


V

Rapprochons en peu de lignes les traits caractéristiques du tableau. En France seulement, au XVIIe siècle, on produit des ouvrages qui laissent entrevoir la possibilité d’approprier à la scène moderne quelques-uns des effets de la scène antique. Après un long-temps passé en expériences et en tâtonnemens, commence vers le milieu du XVIIIe siècle une période d’environ trente ans, où nos acteurs conçoivent pleinement,