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à tout hasard la blessure, et c’est l’unique traitement que reçoive le blessé. Contre la peste et la lèpre, les musulmans ne savent point et ne veulent point se défendre ; aux termes du Koran, ou, pour mieux dire, suivant l’interprétation que les muphtis et les docteurs maures font subir au livre du prophète, c’est un crime envers le ciel que de chercher à conjurer les malheurs et les fléaux qu’il envoie aux vrais croyans. A une si complète indifférence ajoutez les causes de mortalité qui résultent de la malpropreté hideuses des rues, des places publiques et des habitations, des excès de tout genre auxquels, à la moindre de leurs fêtes, les Maures ont coutume de se livrer, et vous concevrez, sans peine que dans un pays si mal gouverné la population puisse être d’un jour à l’autre, non pas seulement décimée, mais en bien des endroits tout entière anéantie. La nature y est pourtant si favorable à la propagation de l’espèce humaine, que, si l’on y pouvait adopter les plus simples mesures d’hygiène appliquées en Europe chez les nations les moins avancées, une population vigoureuse et brillante ne tarderait point à couvrir le sol, de la mer aux derniers contreforts de l’Atlas. Et ce n’est pas tout encore : ce ne sont pas tant les pestes et les maladies contagieuses qui, dans le Maroc, déciment nécessairement l’espèce humaine, il faut signaler une coutume religieuse qui peut-être lui est plus funeste, nous voulons dire l’obligation où se trouve tout musulman d’aller, une fois au moins dans sa vie, à la Mecque, pèlerinage excessivement pénible, rigoureusement prescrit par l’empereur, qui tous les ans charge un officier de réunir une grande caravane, de la diriger à travers les sables de l’Égypte, et de la ramener, s’il se peut, au Maroc. Or, comme le voyage s’accomplit à la hâte, absolument de la même façon qu’une expédition militaire, et sans aucune des précautions que recommandé la plus vulgaire prévoyance, dès les premières journées, les fatigues et les privations, les chaleurs étouffantes, tuent les pèlerins par centaines, et il est hors d’exemple que les sables n’en aient point gardé au moins une bonne moitié.

Les populations du Maroc, nous ne parlons point encore de celles qui n’y vivent que par tolérance et sous le bon plaisir des tribus primitives ou conquérantes, se divisent en deux races parfaitement distinctes, la race amazirga et la race arabe, qui elles-mêmes se subdivisent en deux branches, la race en Amazirgas purs et en Shilogs, la race arabe en Arabes purs, Bédouins et Hameritas, et en Arabes mêlés, Maures et Ludajas ou Arabes du Grand-Désert. Plus connus sous le nom de Berbères, les Amazirgas descendent des premiers habitans de cette partie de l’Afrique septentrionale qui s’étend des bords du Nil aux promontoires de l’Atlantique. Tout à côté des vieilles dénominations de Gétules et de Melanogétules, se retrouve, plus ou moins défiguré, dans quelques historiens grecs et latins, le plus ancien nom de la race, Mezys, Mazisgi, Macyces, Mazich. Les Amazirgas du Maroc sont les Kabyles de l’Algérie, les Zouaves de Tunis et des îles de Gelbez, les Ademsos de Tripoli, les Tuaricks du Grand-Désert. Les Amazirgas-Berbères habitent à l’est de la partie, septentrionale de l’Atlas,