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Il est beau d’étendre de la sorte un mot fameux et de reconnaître, en se condamnant soi-même, qu’on doit surtout la vérité à son ennemi mort.

A part ces fautes, inévitables peut-être et bien rachetées du reste par une franchise si peu commune, la conscience du publiciste est satisfaite : ce qu’il a fait, il le referait encore ; ce qu’il pensait alors, il le pensera toujours. Quand il a pris la plume pour éclaircir quelques questions sociales et politiques, l’état de l’Angleterre réclamait de nombreuses et radicales réformes Il ose se flatter que la noble hardiesse de la Revue d’Edimbourg n’a pas été sans influence sur la solution de ces vastes problèmes. Quant à lui, il a fait son devoir ; il ne voit rien dans ses travaux dont il ait à se repentir. Si l’émancipation des catholiques n’a point produit tous les heureux résultats qu’on en attendait, il ne rétracte pas une seule syllabe de ce qu’il a dit ou écrit en faveur de cette grande mesure. Toutes les blessures de l’Irlande ne sont pas fermées ; des agitations nouvelles qu’il n’avait pas prévues ont prouvé qu’il reste d’autres maux à guérir. Est-ce une raison pour regretter d’avoir été juste ? A présent, il n’est plus que difficile de pacifier l’Irlande ; avant l’émancipation, c’était impossible. Les suites de la réforme le troublent davantage ; il a toujours été partisan de ce grand acte constitutionnel ; mais de quelque nom qu’on le nomme, c’est une révolution dont on ne connaît pas encore le dernier mot, et, malgré lui, l’avenir l’inquiète. Le vieux reviewer, qu’irritaient autrefois les lenteurs de l’opinion, craint aujourd’hui qu’elle ne se jette avec une ardeur irréfléchie dans la carrière brûlante des innovations. « Voilà comme nous sommes, s’écrie-t-il avec quelque amertume ; nous ne gardons jamais les milieux. Depuis l’adoption du bill de réforme, nous n’attendons plus, rien d’un progrès prudent et graduel. La sagesse à grande vitesse et à haute pression, tel est notre unique moteur. » Il ne faut pas prendre tout-à-fait à la lettre les craintes manifestées ainsi par M. Sydney Smith. Il subit, sans s’en rendre compte, la réaction insensible qui s’opère sur les opinions et sur les sentimens chez les hommes les plus forts, aussitôt leur tâche finie, leurs désirs une fois réalisés. Sans doute la situation de l’Angleterre peut, jusqu’à un certain point, justifier ces vagues alarmés, mais il est dans la nature des hommes que toute génération qui se retire de la scène du monde se méfie de celle qui l’y remplace. En peut-il être autrement ? L’une est pleine d’espoir, impatiente de marcher, entraînée vers l’inconnu ; l’autre n’aspire plus qu’au repos, et l’on sait que le dégoût de toute chose accompagne presque toujours les grandes lassitudes. L’expérience est soupçonneuse et chagrine, et, en politique surtout (j’en