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de cette pensée, il s’est hâté d’attaquer les méthodistes par le ridicule : il a fait ressortir avec sa vivacité ordinaire leurs rigueurs hypocrites, leurs graves momeries, leurs extases renouvelées des puritains du XVIIe siècle. A tout prendre, le fanatisme n’est qu’une variété de la sottise humaine ; c’est la sottise passionnée. Cette définition, fût elle d’ailleurs trop absolue, convient du moins aux pratiques extravagantes du méthodisme. L’enthousiasme religieux, exalté jusqu’à la démence, a quelque chose de grand à une époque de luttes et de persécution, et nous admirons malgré nous le dévouement de ces religionnaires farouches qui, sous Cromwell et Charles II, vainqueurs ou vaincus, volaient au-devant du martyre ; mais, aujourd’hui que toutes les passions se sont amorties dans la réformation, que toutes les hérésies y vivent à l’ombre de la tolérance universelle, tenter de ranimer l’ascétisme sombre des protestans d’autrefois, leur réprobation brutale de toutes les joies innocentes, cette prétention à communiquer avec le ciel, intolérablement impie quand elle ne part pas d’un état d’hallucination constante, c’est entrer de gaieté de cœur dans le domaine légitime de la satire, et je ne suis pas surpris que les méthodistes y aient rencontré M. Sydney Smith armé de ses plus plaisans sarcasmes et de son plus cruel bon sens. Il a signalé à l’attention de l’Angleterre leur accroissement rapide, les manœuvres hypocrites qu’ils employaient pour se substituer partout aux ministres de l’église établie, leur mysticisme qui enveloppe les actions les plus communes de la vie journalière, leurs publications béates, leurs auberges évangéliques, ces paquebots sanctifiés qui ne peuvent aller d’un bord d’une rivière à l’autre sans l’intervention directe de la Providence, enfin tout le jargon impertinent par lequel le peuple élu cherche à se distinguer du peuple charnel. M. Sydney Smith a bien fait de jeter le ridicule à pleines mains sur cette secte morose, dont ce n’est pas le moindre crime à ses yeux d’étendre en Angleterre l’empire déjà si considérable de l’ennui : il a bien fait surtout, comme citoyen anglais, de démontrer que la présence, d’une propagande aventureuse dans les présidences de l’Inde compromettait le repos, l’avenir même de ces possessions magnifiques, sans avantage réel pour le christianisme. Cependant cet esprit, si juste, si habile à découvrir l’utilité latente des hommes et des choses, avait-il bien jugé le méthodisme au vrai point de vue national, et sa pénétration habituelle ne lui a-t-elle point fait défaut en cette circonstance ? Ou bien, par l’interruption un peu brusque de ses attaques contre les wesleyens, n’a-t-il pas avoué tacitement plus tard qu’il avait mal envisagé d’abord les progrès de cette