certes, jusqu’au jour où M. Sydney Smith intervint dans le débat avec sa raison satirique, l’Irlande et le papisme n’avaient pas manqué de nobles cœurs ni de voix éloquentes pour les défendre. Cependant je ne crois pas que, sans quelques pages signées de la manière de M. Sydney Smith dans la Revue d’Édimbourg, sans un pamphlet qu’il publia en 1808, et où il a présenté les mêmes pensées sous une forme plus plaisante, l’opinion publique en Angleterre eût été préparée aussi tôt, je ne dis pas à écouter, mais à comprendre O’Connell.
Ce pamphlet, le plus important de tous ses écrits sur l’Irlande, ce sont les Lettres de Plymley. Long-temps il s’est défendu d’en être l’auteur ; « mais voyant, a-t-il dit dans sa dernière préface, que je le nie en vain, j’ai pensé que je ferais tout aussi bien de les joindre à la collection de mes écrits. » Rappelons-nous ce que l’esprit peut accomplir en France, de combien d’années, par exemple, certaines phrases de Paul Louis Courier, qui allèrent au cœur de la branche aînée, quelques refrains de Béranger que la bourgeoisie et le peuple fredonnaient entre les verres, de combien de jours deux ou trois mots heureux que toute la France s’est répétés à l’oreille, ont avancé la révolution de 1830 ; eh bien ! ces dix lettres charmantes, répandues à vingt mille exemplaires par un autre Junius aussi insaisissable que le premier, ces feuilles à la main qui désolaient M. Perceval et lord Castlereagh, et vouaient toute une faction puissante à la risée de l’Angleterre, occupent une place aussi considérable dans l’histoire de l’émancipation catholique. Les Lettres de Plymley, pour tout dire, sont la Satire ménippée de la ligue anglicane.
De pareils pamphlets sont du petit nombre de ceux qui surnagent sur l’abîme où vont se perdre les journaux et les écrits de circonstance. C’est la forme qui les sauve ; malheureusement pour les lecteurs étrangers, ce mérite est le moins sensible. Les Lettres de Plymley, pétillantes d’esprit, mais d’un esprit tout-à-fait anglais, et remarquables surtout par le tour particulier du style de M. Sydney Smith, qui tranche même sur la manière habituelle des humoristes ; ces lettres, dis-je, perdraient tout à être traduites, et je ne tenterai pas d’en faire passer dans notre langue la désespérante originalité, certain que je suis que l’entreprise est impossible. Je me bornerai à dire, pour rappeler le point autour duquel j’ai cru pouvoir grouper tous les travaux du critique de la Revue d’Édimbourg, que, caché sous le pseudonyme de Peter Plymley, il adresse ces nouvelles provinciales à un révérend pasteur, qui est bien le parfait modèle de la sottise protestante, la quintessence des docteurs Bowles et des archidiacres Nares. Marié,