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tenaient vertueusement à quelques lois barbares qui protégeaient la propriété aux dépens du menu peuple ; ils trouvaient tout simple que le malheureux qui avait tué un lièvre sur les terres fût déporté au-delà des mers, et que les clôtures de leurs parcs fussent hérissées d’armes à feu et d’embûches mortelles. À force de les tourner en ridicule, à force d’invoquer avec l’éloquence railleuse qui lui est particulière les plus simples principes de la charité chrétienne, M. Sydney Smith finit par faire honte aux législateurs de ces odieux privilèges, et l’on peut dire qu’il en a, plus que tout autre, hâté l’abolition Les clergymen étaient des adversaires plus importans et plus forts ; aussi est-ce contre eux qu’il a dirigé ses plus vives satires. Il devait bien les connaître, puisque, étant lui-même dans les ordres, il avait pu voir de près l’influence que les membres de l’église établie exerçaient sur l’opinion des masses. Étroitement liés avec les tories par des intérêts communs de conservation, ils avaient été, depuis les premiers jours de la révolution française, les instrumens les plus actifs de la politique de Pitt. C’est ainsi qu’en 1802 ils déclamaient contre la paix d’Amiens et annonçaient du haut du pulpit que tout était perdu, si l’Angleterre ne recommençait la guerre au plus tôt. Les plus emportés formaient une espèce de coterie de prédicateurs que M. Sydney Smith a caractérisée d’un trait en la nommant la tribu des alarmistes. Ils vivaient des idées de Burke, qui était mort depuis cinq ans, et parlaient avec horreur de la paix régicide, comme si le règne sanglant de la terreur menaçait toujours les aristocraties et les trônes. S’ils s’étaient bornés à s’emporter en chaire contre la révolution et les révolutionnaires, M. Sydney Smith, qui leur avait répondu indirectement à Édimbourg par des sermons sur la véritable charité et sur le faux zèle, n’aurait pu les atteindre dans la Revue d’Édimbourg, mais ils avaient la faiblesse de vouloir être imprimés, et leurs homélies politiques, répandues en brochures, passaient dès-lors sur les terres de la critique. À peine la Revue établie, M. Sydney Smith se donna le plaisir de les arrêter au passage : il excella du premier coup à peindre la suffisance burlesque et les dangereux emportemens de ces prédicateurs boursouflés. De dignes clergymen, parfaitement oubliés aujourd’hui, un docteur Parr, un docteur Rennel, un archidiacre Nares, ont passé sucessivement sous son fouet satirique. Le second avait toujours à la bouche les mots de siècle mauvais, siècle adultère, siècle apostat, siècle de freluquets (foppish age). Le reviewer, s’arrêtant à cette dernière épithète, fait semblant de croire qu’il voulait parler de certains freluquets faciles à reconnaître malgré leur déguisement, « gens habillés de noir