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est le trente-sixième descendant direct de Fatima, fille de Mahomet, cette perle des légendes et des traditions orientales, et d’Ali, cousin du prophète. Nous avons sous les yeux sa généalogie, qu’il a fait dresser lui-même aussitôt après son avènement, et déposer chez tous les cadis. C’est à Tétuan que l’a pu copier un des proscrits qui, en 1824 parvinrent à s’enfuir de Ceuta. A dater de l’an 661 de notre ère, tous les grands noms arabes des guerres d’Égypte, du Magreb, de l’Espagne, les noms des califes Almohades, Almoravides, Fatimites, se retrouvent dans cette pièce curieuse, dont nous sommes loin, on le conçoit, de garantir la parfaite authenticité. Ce qu’il y a de certain du moins, c’est qu’Abderrahman appartient à une des branches les plus illustres de la dynastie régnante. C’était lui-même qui, dans l’ordre naturel, aurait dû prendre possession de la couronne, à la fin du dernier siècle, à l’époque où Soliman fut proclamé empereur, mais, comme alors il était encore dans l’enfance, son oncle, selon l’usage, lui fut préféré. En lui transmettant le sceptre à sa mort, Soliman a, pour ainsi dire, accompli un devoir de justice. Pourtant, en dépit de son droit, en dépit de l’illustration qui l’avait désigné au choix de son oncle, Abderrahman n’en a pas moins eu à comprimer souvent de violentes émeutes, constamment suscitées par cette indomptable tribu des Shilogs, qu’on a vue déjà, sous les précédens empereurs, à la tête de tous les soulèvemens anarchiques, et dont nous nous attacherons à faire connaître le caractère et les mœurs. Abderrahman, on en peut convenir, est parvenu à rendre l’autorité impériale un peu plus solide qu’elle ne l’a été jusqu’ici en un pays aussi fréquemment bouleversé que cette contrée à demi sauvage de l’Orient africain.


III. – POPULATIONS DU MAROC. – DE L'ESCLAVAGE DES BLANCS EN AFRIQUE

L’empire du Maroc, que les Arabes, aussitôt après leur conquête, nommèrent le Mogreb-el-Aksa, ou l’Occident extrême, est de l’un à l’autre bout diagonalement coupé par l’immense cordillière de l’Atlas, qui, s’enlaçant, pour ainsi dire, dans l’Algérie même, au sud du désert d’Angad, avec les montagnes de Beni-Ammer va çà et là se divisant en une foule de chaînes inférieures jusqu’aux promontoires de Gher et de Noun, où elle plonge dans l’Océan ses énormes, pieds de granit. Non loin de ces promontoires, dans cette même Atlantique, elle relève de nouveau sa tête, au-dessus des marées presque toujours orageuses, pour former le riant et pittoresque archipel des îles Canaries. De l’Algérie au cap Noun, l’Atlas a trois versans principaux ; à ceux du nord et de l’ouest s’appuient les vingt provinces des royaumes proprement dits de Fez et de Maroc, divisées en trente pachalicks ; au midi, les provinces à peine connues des officiers même et des ministres de l’empereur, Tafilet, Ségelmesa, Dara’a, el Hharits, Adrar, les deux Sus et Tezzet, où les populations, à demi sauvages, si l’on excepte pourtant celles du Tafilet, ne reconnaissent guère que l’autorité de leurs chefs de tribu. L’empire entier embrasse un territoire de deux cent vingt lieues de longueur