saient sous la tente, le fusil sur l’épaule, et entre les mains desquelles la force des choses concentrait nécessairement tous les pouvoirs. Encore ces assemblées se partageaient-elles quelquefois en deux fractions ennemies, qui, au sortir de la séance, en venaient aux mains, et dont l’une défaisait violemment ce que l’autre avait fait. Il n’y avait rien là qui préparait les Grecs au jeu régulier de la monarchie constitutionnelle.
De tout cela on peut conclure avec raison que le gouvernement représentatif ne s’établira pas en Grèce sans des difficultés graves, sans de fâcheux tiraillemens, peut-être sans quelques crises. Est-il juste d’aller au-delà ? Que, pour en juger, on voie ce qui se passe depuis un an. Au moment où la révolution se fit, il ne manquait certes pas de prophètes pour prédire tous les malheurs imaginables. Entre l’assemblée nationale et la royauté, entre les diverses fractions de l’assemblée elle-même, il devait, disait-on, s’établir une lutte sanglante dont l’anarchie était l’infaillible conséquence. Dans la délibération, les opinions les plus violentes, les plus excentriques, devaient nécessairement triompher. Au lieu de cela, malgré d’inévitables divergences, la royauté et l’assemblée nationale ont fini par se mettre d’accord, et de cet accord est née une constitution modérée, raisonnable, qui fait à chacun sa part naturelle et légitime. Voilà la première épreuve. Voici maintenant la seconde. Par suite de circonstances regrettables, au lieu d’offrir aux diverses nuances du parti constitutionnel un centre de ralliement, le ministère s’était constitué sur le terrain le plus étroit, dans les vues les plus exclusives. Pour résister à l’opposition formidable qui se formait contre lui, ce ministère n’a épargné dans les élections ni la corruption, ni la fraude, ni l’intimidation. Il paraissait naturel de supposer qu’à de tels moyens si généralement employés, il devrait au moins une majorité temporaire et un succès passager. Eh bien ! c’est le contraire qui est arrivé, et le ministère a péri précisément par où il espérait se sauver. Ainsi, dans l’espace d’une année, le gouvernement représentatif en Grèce a su se préserver d’abord de l’anarchie, puis de la corruption. Pourquoi ne pas croire qu’il résistera de même aux nouveaux dangers qui l’attendent ?
Il ne faut pas oublier que la Grèce, pendant dix ans, a été gouvernée par des assemblées nationales et des conseils représentatifs. Il ne faut pas oublier qu’en 1832, ce n’est pas le principe héréditaire qui a cédé quelque chose, mais le principe électif. Il ne faut pas oublier que, si ce principe a long-temps sommeillé, c’est par une viola-