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indigènes. Or, on le sait, quand des terres ont été long-temps abandonnées il faut, quelle que soit leur fertilité naturelle, plus que des bras pour les remettre en valeur. Ici, Un défrichement pénible à opérer là un cours d’eau à rétablir ; plus loin, des terrains à niveler, tout cela suppose une mise de fonds assez considérable et des avances assez fortes pour que l’on puisse attendre. Rien de tout cela n’existe chez les Grecs, et comme le gouvernement de son côté est trop pauvre pour les aider, les choses restent telles quelles ou empirent. On cite, par exemple, le lac Copaïs dont les déversoirs sont encombrés, et qui s’élevant tous les ans, menace d’inonder un beau jour la riche plaine de la Livadie.

Le manque absolu de capitaux, voilà donc le premier obstacle aux progrès de la Grèce ; mais cet obstacle n’est pas le seul, et il en est de plus graves encore qui consistent d’une part dans la mauvaise constitution de la propriété, de l’autre dans un détestable système d’impôts, et dans les exactions odieuses qui en sont les conséquences. Excepté dans les îles dans le Magne et, dans quelques autres contrées presque inaccessibles, les Turcs, au moment de la conquête, s’étaient emparés violemment de toute la propriété du sol, de celle du moins qui était à leur convenance. Ils étaient donc maîtres des plaines et des vallées, tandis que les indigènes conservaient en général la possession des terrains les plus montagneux, les plus arides, les plus improductifs. Vint la guerre de l’indépendance, et à peu d’exceptions près toutes les terres possédées par les Turcs tombèrent dans le domaine public. Or, voici comment le gouvernement en a disposé après les avoir affectés comme hypothèque au remboursement de l’emprunt. Quelques portions en ont été données aux vieux soldats de la lutte ; d’autres, en beaucoup plus grande quantité, ont été affermées à des cultivateurs qui paient, outre la dîme, 15 pour 100 du produit brut, en tout 25 pour 100. Les deux tiers enfin, faute de donataires, de fermiers ou d’acheteurs, restent à l’état inculte.

Ainsi les meilleures terres de la Grèce (8 ou 10 millions de stremmes) sont encore aujourd’hui une propriété publique, c’est-à-dire une propriété dont personne à peu près ne s’occupe et ne tire profit. De ces terres, un partie est cultivée, mais à des conditions onéreuses, et par des hommes à qui les améliorations, s’ils en faisaient, ne profiteraient peut-être pas. Est-il, surprenant dés-lors que ces améliorations ne se réalisent pas, et que, par exemple, au lieu de planter, on brise souvent les arbres pour en recueillir le fruit ? Est-il surprenant que dans certaines contrées montagneuses la culture s’empare du plus petit