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avec la sienne, ni que le ministère qu’elle protège ait une pensée, une conduite qui lui soit propre. De plus, quand elle sent que le pouvoir va lui échapper, elle ne recule, pour le retenir devant aucun moyen. Que de tout temps et dans tout pays telle ait été la politique habituelle de l’Angleterre, il est impossible de le nier ; ce dont on ne peut douter ici, c’est que le ministère n’appartînt exclusivement à l’ancien parti anglais, c’est que du commencement à la fin la légation anglaise n’ait protégé ce ministère ouvertement et chaudement, c’est enfin qu’elle n’ait témoigné de sa chute un extrême mécontentement. A-t-elle fait plus, et, comme l’opinion l’en accuse, est-ce elle en effet qui a conseillé au ministère les actes illégaux et violens qui l’ont perdu ? j’aurais besoin d’en être certain pour le dire.

Il est un fait pour le moins aussi grave et qui peut jeter sur les projets et sur les menées de l’Angleterre en Grèce une assez vive lumière. Au mois de mai, la légation anglaise à Athènes n’avait qu’un mot d’ordre et qu’un cri : se méfier de la Russie et la combattre partout. C’est dans ce but que l’entente cordiale de la France et de l’Angleterre lui paraissait si salutaire, si utile, si indispensable. C’est dans ce but qu’il fallait oublier les vieilles jalousies, les rancunes surannées, les petites susceptibilités. C’est dans ce but qu’elle était prête, quant à elle, à appuyer un ministère Coletti, de même que la légation de France appuyait le ministère Maurocordato. Qu’est-il arrivé pourtant ? Que le jour où le ministère Maurocordato lui a paru ébranlé, ce n’est point vers M. Coletti et le parti français qu’on s’est tourné, mais vers le parti russe et M. Metaxas qu’ainsi sollicités, le parti russe et M. Metaxas sont naturellement redevenus les arbitres de la situation, les maîtres de porter le pouvoir là où il leur plaisait ; qu’on a ainsi restauré de ses propres mains l’influence qu’on prétendait annuler, la force qu’on prétendait détruire. C’était bien la peine de prêcher contre cette influence et contre cette force une croisade universelle.

Ce ne serait pas, au surplus, la première fois qu’une tentative pareille aurait eu lieu, et peu de jours après la révolution de septembre, quand on craignait que M. Coletti ne devînt trop fort, il paraît certain qu’entre la légation anglaise et le parti russe quelques douces paroles s’étaient déjà échangées. Par malheur, au mois d’août 1844, plus encore qu’au mois de novembre 1843, le rapprochement offrait de grandes difficultés. La Russie venait en effet de retirer l’interdit qu’elle avait d’abord lancé contre le nouveau gouvernement, et ceux qui ont l’habitude de tourner les yeux vers elle se montraient peu