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Représentans dans le congrès des deux fractions les plus importantes de l’opinion constitutionnelle, MM. Maurocordato et Coletti avaient constamment combattu pour les mêmes principes, défendu les mêmes mesures. En s’unissant, ils confondaient en un seul deux des trois partis qui divisent la Grèce, et se trouvaient ainsi parfaitement en mesure de résister au troisième ; enfin à tous égards, ils se complétaient l’un par l’autre. Rien donc ne semblait s’opposer à ce qu’ils devinssent collègues ; tous deux affirment qu’ils le désiraient ; cependant, après de longues et vaines tentatives, la combinaison échoua. Il serait inutile aujourd’hui de rechercher : à qui la faute en doit être attribuée. Peut-être ; à l’un et à l’autre, peut-être aussi à aucun des deux. Ce n’est pas la première fois, on le sait, que de pareilles choses se passent dans le monde, et qu’une coalition meurt au sein de la victoire. C’est que dans leurs antécédens, dans leurs engagemens personnels, les hommes politiques trouvent souvent des chaînes qu’ils n’osent ou ne peuvent briser ; c’est qu’il est quelquefois plus facile d’accorder les opinions que les situations, de faire marcher ensemble les généraux que les officiers. Quoi qu’il en soit, MM. Maurocordato et Coletti ne s’entendirent pas, et M. Maurocordato, avec M. Tricoupi, son ami composa un cabinet d’une seule nuance, un cabinet d’où l’élément palikare était entièrement exclu. Seulement, M. Loudos de Patras et M. Rhodius, qui passaient pour avoir appartenu à l’ancien parti russe, trouvèrent place dans ce cabinet.

Naturellement la légation russe devait être ennemie de ce cabinet ; la légation anglaise devait le soutenir. La situation de la légation française était plus difficile. Pendant toute la durée du congrès, de même que MM. Coletti et Maurocordato, le ministre de France et le ministre d’Angleterre avaient marché parfaitement d’accord. Il est même vrai de dire que par son dévouement connu à la cause de l’indépendance, par ses relations personnelles avec beaucoup des anciens combattans, M. Piscatory avait pu et dû exercer une influence toute particulière ; néanmoins le ministère ne comprenait pas un seul membre de l’ancien parti français. S’il appuyait un tel ministère, M. Piscatory ne serait-il pas accusé en France et en Grèce d’abandonner son drapeau et de se mettre à la remorque de l’Angleterre ? Le danger était réel, presque inévitable ; mais M. Piscatory, par de fortes raisons, se détermina à le braver. M. Piscatory est de ceux qui pensent qu’il est temps de sortir du cadre étroit des anciennes classifications et de réunir tous ceux qui veulent que la Grèce soit indépendante et libre ; il