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DE LA SITUATION ACTUELLE DE LA GRÈCE.

ment. Grivas marche contre les insurgés, qui sont vaincus. Coletti devient ministre de l’intérieur et président du conseil.

1835. — Le roi atteint sa majorité : au lieu de proclamer une constitution, et de congédier les Bavarois, comme on l’espérait, il conserve le pouvoir absolu et nomme M. d’Armansperg archi-secrétaire d’état. Le ministère se dissout, et Coletti est envoyé à Paris comme ambassadeur. Quelques insurrections ont lieu contre les Bavarois et pour la constitution, mais elles sont réprimées. Le roi, pour calmer l’opinion, forme un grand conseil d’état où prennent place les chefs des partis opposés.

Dans ce court résumé, je n’ai mentionné que les faits principaux. Ils sont néanmoins assez nombreux, assez complexes pour qu’il soit impossible d’en faire sortir des partis bien organisés, bien compactes, ayant un but, des principes, une règle fixe de conduite. À travers cette longue confusion, trois dénominations pourtant apparaissent, dénominations qui persistent encore et qui semblent aujourd’hui même dominer toutes les combinaisons politiques : ce sont celles de parti russe, de parti français et de parti anglais. Examinons-en l’origine, le sens, la valeur, et voyons si là plus qu’ailleurs nous trouverons le fil conducteur qui nous manque.

L’existence d’un parti russe en Grèce s’explique tout naturellement. Depuis que la Russie convoite l’héritage des Turcs, elle n’a cessé d’entretenir en Grèce, comme dans les autres provinces de la Turquie européenne, des intelligences secrètes, et de s’y faire des partisans. En 1770, la Russie fit plus, et c’est d’accord avec elle qu’eut lieu l’insurrection du Péloponèse ; c’est enfin avec l’aide de la Russie que se formèrent les hétairies de 1814 et de 1820. Quand le nom de la France et celui de l’Angleterre étaient à peine connus en Grèce, le nom de la Russie y était donc déjà populaire, et c’est vers la grande puissance du Nord que la nation opprimée s’habituait à tourner les yeux. De plus, entre les Grecs et les Russes, il y a communauté de religion, et dans un pays où la religion seule distingue les maîtres et les sujets, c’est là une très grande force. Il faut ajouter que, dans le Péloponèse surtout, les familles principales envoyaient souvent leurs enfans en Russie pour y chercher un peu d’instruction, puis aussi de l’emploi. De là des liens naturels que l’habileté russe ne laissait pas se relâcher ou se rompre. Au début de l’insurrection, la Russie trouva donc une vive sympathie d’abord parmi les hétairistes qui, comme Démétrius Ipsilanti, s’étaient jetés dans la mêlée, ensuite parmi les primats du Péloponèse, dont elle flattait les vues ambitieuses et les penchans