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et les débris de l’hétairie, Démétrius Ipsilanti en tête, prirent au mouvement grec une part considérable. Depuis ce moment, l’esprit hétairiste, détourné de ses voies primitives, devint pour certains hommes d’état et pour certaines puissances un point d’appui et un moyen d’action. Ainsi, en 1828 et en 1829, le président Capo-d’Istrias forma une société, secrète dite du Phénix, ayant pour but de disposer les esprits en faveur de la Russie. En 1833 et 1834, une autre société, suite et développement de celles des Amis et du Phénix, organisa, sous prétexte religieux, une conspiration générale qui éclata dans le Magne. Je parlerai plus tard de la société Philorthodoxe, fondée en 1838, et qui, se rattachant par des liens étroits à celle de 1834, a pris une si grande part à la dernière révolution.

Si les hétairistes avaient préparé l’insurrection, ce sont les palikares qui l’empêchèrent d’avorter misérablement en Grèce comme en Moldavie. Pour bien avoir ce que sont les palikares, il faut se rappeler qu’avant la révolution, les Turcs avaient autorisé dans la Roumélie, dans l’Epire, dans la Thessalie, dans la Macédoine, l’établissement d’une milice purement grecque, qui, sous l’autorité du pacha, était chargée du maintien de l’ordre public. Les membres de cette milice, presque tous venus des montagnes, s’appelaient armatoles ; tandis que leurs frères non soumis recevaient le nom de klephtes. Mais on conçoit facilement qu’entre les armatoles et les pachas il n’y eût pas toujours bon accord ; il arrivait donc souvent que les armatoles se transformaient en klephtes, ou, pour parler le langage moderne, que les gendarmes devenaient brigands Armatoles ou klephtes, ils s’honoraient tous d’ailleurs du nom de palikares (braves), et c’est ce nom qui leur resta lorsqu’en 1821 ils se jetèrent avec une égale ardeur dans l’insurrection. Les héros à cette époque glorieuse, acquirent un renom européen, les Botzaris, les Odyssée, les Tzavellas, étaient des chefs de palikares, dont plusieurs avaient successivement servi et combattu les pachas. Avec de tels antécédens et de telles habitudes, on comprend qu’il fût difficile de les soumettre à la règle, la discipline, à la subordination. Ils avaient pourtant ce mérite, que rarement ils séparaient leur cause de celle de leurs compagnons d’armes, et qu’ils stipulaient pour ceux-ci en même temps que pour eux-mêmes. Il est bon d’ajouter qu’un homme qui a joué et qui joue encore un grand rôle dans les affaires de son pays, M. Coletti, fut, dès les premiers temps, accepté par les palikares comme leur représentant dans le gouvernement et comme leur organe dans les assemblées représentatives. Personne plus que lui n’était capable de