Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur les dispositions de notre gouvernement ! Vit-on jamais une polémique plus maladroite, plus dangereuse et plus injuste ?

Il y a des jours où le ministère fait soutenir une autre thèse. Savez-vous pourquoi sa politique est faible ? C’est parce que la France est impuissante. Nous n’avons ni armée, ni marine, ni alliés comment voulez-vous que notre gouvernement soit ferme avec si peu d’appui ? Ce ne sont pas, croyez-le bien les bonnes intentions qui manquent à M Guizot ; donnez-lui des alliés, une marine, une armée : ce sera un Louis XIV ou un Napoléon ! Nous ne voulons pas suspecter l’indépendance des écrivains qui ont invente cet admirable argument : nous sommes persuadés qu’ils sont de très bonne foi ; mais nous devons dire que, s’ils ont le mérite de cette invention, ils doivent aussi en supporter toute la responsabilité. Cela les regarde seuls. Vous ne trouverez personne, parmi les adversaires du cabinet, qui tienne un pareil langage Tous les organes de l’opposition l’ont vivement blâmé. Le ministère seul peut en tirer quelque profit. En effet, voilà toute sa conduite justifiée. Son honneur est à l’abri Il n’y a que les chambres, il n’y a que la majorité parlementaire, il n’y a que le pays, qui soient coupables. Si le pays eût remis entre les mains de M. Guizot les forces nécessaires, M. Guizot eût montré plus de vigueurs, ses négociations eussent été plus fermes, les résultats obtenus par sa diplomatie eussent été plus honorables pour la France. Les puissances de l’Europe, si elles font une attention sérieuse à nos journaux ministériels, doivent trouver qu’on joue avec elles un singulier jeu. D’un côté, on leur dit que tout le monde politique en France, sauf le ministère et quelques-uns de ses amis dévoués, veut la guerre, et d’un autre côté on les avertit que la France n’a ni armée, ni marine : il faut convenir que si d’une part le langage qu’on leur tient peut les inquiéter, de l’autre on prend le plus sûr moyen de les tranquilliser.

On cherche à s’autoriser de l’exemple dénué par M. le prince de Joinville, pour justifier les assertions que l’on ose publier sur la faiblesse militaire et diplomatique de la France. M le prince de Joinville, dit-on, a dévoilé la faiblesse de notre marine, pourquoi ne ferait-on pas comme lui ? pourquoi serait-il défendu de révéler l’impuissance de notre armée de terre, et le discrédit dont notre alliance est frappée en Europe ? Aucun esprit sensé n’admettra ce rapprochement. Lorsque M. le prince de Joinville a signalé les vices de notre administration maritime et la nécessité de créer une flotte à vapeur, il a fait une chose louable, parce qu’elle était utile et qu’elle partait d’un esprit juste et d’un patriotisme éclairé. La différence qui existe entre lui et ceux qui cherchent à se prévaloir de son noble exemple, c’est qu’il a exposé des théories applicables, c’est qu’enfin il n’a rien dit qui ne fût parfaitement conforme à l’intérêt de la France, tandis que les écrivains dont nous parlons se jettent dans des exagérations ridicules, qui pourraient causer le plus