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un troupeau de cavales et une ménagerie entière de tigres, de panthères et de lions.

Sous la reine Elisabeth déjà, l’Angleterre commençait à trafiquer sur les côtes du Maroc ; ce n’est pourtant qu’à dater du roi George Ier qu’elle y a fait de considérables opérations. Le premier traité intervenu entre le Maroc et l’Angleterre a été conclu en 1720 ; il a été renouvelé en 1760 et en 1805. La Grande-Bretagne n’a jamais accepté ouvertement le tribut ; mais qu’importe le mot au prince barbare, pourvu qu’aux trésors qui d’année en année s’accumulent à Méquinez la Grande-Bretagne apporte aussi son contingent ? Si l’Angleterre ne paie pas de tribut, elle grossit à elle seule, en présens de toute espèce, plus que toutes les autres nations, le budget des recettes impériales. En 1815, le parlement a fait publier le tableau des subsides payés à l’étranger, de 1797 à 1814, pendant les guerres contre la France. Le Maroc y figure pour une somme de 16,177 livres sterling, et encore n’y faut-il point comprendre les 10,000 duros que le consul anglais de Tanger dépense chaque année en présens pour les ministres de l’empereur. Ce n’est pas tout : on sait déjà depuis long-temps qu’en fait de poudre et de munitions de guerre, les Maures s’approvisionnent à Gibraltar ; ce qu’on ne sait point, c’est que de tout temps, même durant la guerre qui s’achève, l’Angleterre, — M. Calderon l’affirme, — a gratuitement livré ces munitions aux agens de l’empereur. C’est là un fait notoire à Gibraltar, à Algésiras, à Tanger, sur les deux bords du détroit, et que nous pourrions prouver par les plus authentiques témoignages. On ignore encore les avantages spéciaux que l’Angleterre n’a pu manquer de stipuler en retour d’une telle générosité. L’avenir nous dira bientôt, sans aucun doute, le dernier mot de la diplomatie anglaise ; ce sont les marchands et les armateurs de la Grande-Bretagne qui se chargeront de nous expliquer la lettre jusqu’ici demeurée secrète des traités de 1729, de 1760 et de 1805.

L’empire d’Autriche, à l’époque où il se nommait l’empire d’Allemagne, s’était mis aussi, et depuis long-temps, en communication avec le sultan africain. Déjà, au commencement du XVIIe siècle, Rodolphe II avait envoyé un ambassadeur en titre à l’empereur Abu-Fers ; c’était un Anglais nommé Shirley, à qui le prince maure fit le plus brillant accueil. Cent quatre-vingt ans après, en 1784, le sultan Sidi-Mobamad envoya lui-même un ambassadeur à Joseph II, pour renouveler un traité conclu par Shirley, et que l’on a modifié depuis toutes les fois que la fortune de l’Autriche a éprouvé un changement notable. En 1815, l’empereur François, ayant pris possession de Venise, s’engagea formellement à payer au Maroc le tribut annuel de 10,000 sequins auquel, en 1765, s’était soumise cette vieille république de marchands. À dater de 1815, cependant, les rapports officiels ont complètement cessé entre le Maroc et l’Autriche ; celle-ci n’a plus de consul à Tanger ; ses nationaux s’y réclament au besoin du premier consul européen qui les eut bien protéger. C’est presque toujours, même depuis la mort de Ferdinand VII,