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se trouvent inquiets, dépaysés comme des parvenus dans un salon, dès qu’ils sont appelés à composer, dans une pièce de haut style, des rôles dont tous les effets ne sont pas soulignés. De cet ensemble de faits résulte cette confusion qui, selon, moi, fausse l’intelligence, égare le zèle de la plupart de nos acteurs, et répand cette déplorable croyance, que le génie de la scène s’éteint chez nous.

Il s’est développé une sorte de fatalisme qui considère les évolutions des sociétés et des arts comme autant de phases inévitables et professe qu’il est impossible de modifier les tendances d’une époque. Cette doctrine a cela de commode, qu’elle dispense de l’observation dans la théorie, et de l’énergie dans la pratique. Les esprits de cette trempe ne manqueront pas de demander de quelle utilité il peut être de constater, comme j’ai essayé de le faire l’état de notre scène. Cette chute de l’idéalisation au naturalisme, diront-ils, ce passage du culte de la beauté au besoin de la vérité et de l’expression, ont été des symptômes d’une irrémédiable décadence vers laquelle la fatalité nous entraîne. Le sentiment de l’idéal ne se commande pas, et c’est folie que de vouloir y ramener les générations qui en ont laissé tarir la source. Ces objections sont prévues : on essaiera d’y répondre dans la partie critique de cette étude.


A. COCHUT.