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que, pour être en harmonie avec notre caractère et nos aptitudes, les institutions de crédit devront, en France, s’appuyer sur le gouvernement, combiner leur action avec le sienne, être, en un mot, des institutions publiques, et dans leur objet, faire une large part à l’agriculture. ».

Le troisième ordre d’améliorations recommandées par M. Michel Chevalier est cette réforme de l’enseignement public dont la formule est déjà passée à l’état de lieu-commun, avant d’avoir été bien exactement définie : éducation professionnelle. Notre époque, un peu trop préoccupée des affaires positives pour descendre dans les problèmes de la pédagogie, tend à confondre, nous le craignons, deux opérations bien distinctes dans le développement des intelligences : l’éducation générale, qui a pour but d’élever l’ame et de fortifier les esprits, de créer ce qu’on appelait naïvement autrefois des bonnes têtes ; ensuite, l’éducation spéciale qui, dans la plupart des carrières, ne saurait être qu’une étude pratique, qu’un apprentissage manuel. Ce sont les philosophes seuls, et non pas les économistes, non pas les praticiens de l’industrie qu’il faut interroger sur cette double question de savoir quelles sont les études les plus propres à déterminer le résultat qu’on doit espérer de l’éducation générale, et si les anciennes méthodes conservées dans nos universités sont susceptibles de quelques modifications. Quant à l’éducation spéciale, on n’a pas assez réfléchi sur la difficulté de l’approprier à chaque profession. Les Américains n’ont pas même tenté de le faire, de l’aveu de M Chevalier : « En fait d’éducation industrielle est-il dit dans les Lettres sur l’Amérique, il n’y a ici que l’apprentissage : point d’écoles d’arts et métiers, point d’instituts agricoles ou de manufactures modèles ; quand l’Américain veut apprendre une profession, il se met en apprentissage chez un artisan, dans une manufacture ou dans un comptoir. En voyant pratiquer, ou en pratiquant lui-même, il devient artisan, manufacturier, commerçant. » Si la confusion venait à s’introduire entre les deux ordres d’études nécessaires au parfait développement de l’intelligence, on ne tarderait pas à constater chez nous une sorte d’affaissement intellectuel. Ce qui manque aujourd’hui à la France, c’est moins le savoir-faire que le vrai savoir, ce sont moins les hommes habiles dans l’art de faire fortune que les hommes de grand esprit et de grand cœur. Nous ne pousserons pas plus loin ces observations, que l’on pourrait prendre pour une critique adressée à M. Chevalier, critique injuste, puisque le professeur n’a pas encore eu occasion de se prononcer dogmatiquement. Nous attendons avec une légitime impatience les leçons spéciales qu’il