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doivent être confectionnées et entretenues non par des péages, comme on le fait dans certaines provinces anglaises, mais par un prélèvement sur le trésor public. Il y a d’autres voies, comme les canaux et les chemins de fer, sur lesquels les voyageurs et les marchandises sont transportés, et dont l’exploitation donne lieu à des pertes ou à des bénéfices. Convient-il qu’un gouvernement se fasse commerçant, même dans un intérêt commun ? ou bien ne serait-il pas préférable de concéder ces entreprises à des sociétés, commerciales disposées à subir toutes les chances de leur spéculation ? Dans quelles proportions l’état doit-il venir en aide pour hâter l’exécution des travaux ? M. Michel Chevalier a sondé profondément ces questions, et il a conclu en faveur du système adopté par les chambres en 1842, celui qui combine l’action tutélaire de l’état avec l’énergie de l’industrie privée. Cette solution n’a pas néanmoins pour lui la valeur d’une théorie constante et absolue. L’expérience prouve que chaque pays est obligé de subordonner son système de travaux publics aux nécessités éventuelles de sa politique, de ses finances, de son industrie. En Angleterre, où toute initiative appartient à une aristocratie de capitalistes, le double réseau de la navigation artificielle et des chemins de fer est sans partage la propriété des compagnies. La Belgique se trouvera fort bien d’avoir exécuté, aux frais de l’état et avec les ressources de l’emprunt, un système complet de chemins de fer qui relie toutes les parties de son territoire, surtout s’il arrive, comme on l’espère, que les chemins belges donnent bientôt un revenir net égal à l’intérêt des emprunts contractés pour leur exécution. En Autriche, en Bavière, en Russie, l’exécution par l’état a été la règle générale. Dans l’Amérique du Nord, les gouvernemens, poussant les travaux aux frais du trésor, ou provoquant l’industrie privée par toutes sortes d’avantages, ont, en somme, contribué pour les trois quarts à la dépense générale de l’œuvre. Chez nous-mêmes, le système de 1842, basé sur un plan d’association moins favorable au gouvernement qu’aux compagnies, a déjà reçu diverses modifications au profit du trésor. La durée des concessions a été réduite d’une façon inespérée par la concurrence que se font les capitalistes : des charges assez nombreuses, imposées aux adjudicataires, assurent à des conditions très avantageuses l’usage des chemins de fer pour plusieurs services publics, comme le transport des dépêches ou celui des troupes. On dit enfin que des compagnies déjà formées se préparent à solliciter certaines lignes, en assumant la portion des dépenses que la loi attribuait