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nouveau ; il entendit encore le son de sa voix et contempla la rougeur qui avait couvert un instant ses joues. En même temps, il se perdit vainement dans les questions qu’il s’était déjà bien des fois adressées, et auxquelles il en ajoutait de nouvelles. Lui permettrait-elle de la revoir ? l’aimerait-elle jamais ? Ce qui n’avait d’abord été chez lui qu’une préoccupation romanesque devenait une ardente pensée, pleine de désirs et déjà de mystères. La plus simple démarche dans le voisinage lui eût sans doute appris tout ce qu’il voulait savoir ; mais il lui répugnait de la faire, et son amour ne pouvait se résoudre à s’abattre des hauteurs de l’idéal dans le détail de renseignemens vulgaires. Ce qu’il avait vu du petit intérieur où il avait pénétré, le travail auquel Henriette se livrait, tout lui annonçait une pauvreté noblement soutenue ; il se sentit attendri à la pensée de cette jeunesse courageuse aux prises avec le malheur. L’amour, qui n’était encore que dans la tête, descendit dans le cœur. Presque toute la nuit, il évoqua des fantômes charmans, tantôt dans le passé, tantôt dans l’avenir. Vers le matin pourtant, il s’endormit. Une rude secousse le réveilla ; Antonio, pâle et agité, était devant son lit.

— Qu’as-tu donc ? lui demanda Frédéric étonné.

— Habille-toi, j’ai besoin de toi pour un duel ; prends tes sabres et partons.

Frédéric fut bientôt prêt. Les duels entre étudians sont si fréquens et ont lieu pour des causes si légères, qu’il suivit son ami sans même s’informer du motif de celui auquel il se rendait. Quand ils furent dans la rue, Antonio le mit au fait en peu de mots. La veille, après avoir vainement cherché la fugitive, il revint dans la ville et se rendit au lieu de réunion ordinaire des étudians. Comme il allait entrer, le nom de Mme de Rendorf, prononcé assez haut et suivi de nombreux éclats de rire, frappa son oreille. La comtesse servait en ce moment de texte aux plaisanteries plus ou moins attiques des étudians.

— Je ne dissimulerai pas avec toi, dit Antonio. Me montrer et la défendre ouvertement, c’était la compromettre ; que devais-je faire ? J’étais rempli de ressentiment ; pourtant je me contins et j’entrai d’un air assez calme ; mais j’avais remarqué que les sarcasmes de Franz étaient les plus acérés ; je me promis de me venger sur lui. Tu connais sa vanité, le ton tranchant de ses décisions :? je le contredis sur tout ; il se fâcha, je continuai, et… nous nous battons ce matin.

— J’aurais agi comme toi, répondit Frédéric ; celui qui perd sa maîtresse en la-défendant mal à propos est un maladroit ; celui qui ne la vengerait pas serait un lâche.