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HENRIETTE.

I.

Le jour naissait à peine ; ses premières clartés se montraient vaguement à l’horizon, tandis que le haut du ciel appartenait encore à la nuit. Les bruits confus qui annoncent le réveil des villes commençaient à se faire entendre, quand une joyeuse troupe de jeunes gens passa les portes d’Heidelberg et se répandit dans la campagne. À voir leur air déterminé et la singularité de leurs vêtemens, il était facile de reconnaître des étudians, et plus facile encore, à leurs voix animées et à quelques erreurs dans leur démarche, de s’apercevoir qu’ils n’avaient pas employé la nuit à pâlir sur Hippocrate, Aristote ou Justinien. Tout annonçait au contraire la fin d’une de ces folles nuits où l’ivresse de la jeunesse se double par celle du plaisir, quand les illusions de vingt ans apparaissent plus charmantes encore à travers les vapeurs du vin du Rhin et la fumée des pipes embrasées. Las sans doute de parcourir la ville, en troublant dans leur sommeil les pacifiques bourgeois, ou, pour mieux dire, les Philistins, éternel objet de leur mépris, les gais étudians suivaient la route située au bas de la montagne qui domine Heidelberg et porte à mi-côte les débris de son vieux château. Ils allaient par groupes inégaux, et achevaient de dépenser au grand air la verve qu’ils avaient puisée dans les rœmer écumans. Cependant peu à peu les rires devinrent moins bruyans, les pas se ralentirent, et, comme si la venue du jour et l’aspect de la na-