Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/1017

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les Grecs ? Était-ce pour substituer à son principe fondamental un principe différent ? Non, c’était pour le plaisir brutal d’altérer ce qu’on ne pouvait plus ni comprendre ni reproduire. Et vous voudriez comparer cet acte de décrépitude et d’ignorance avec l’œuvre de résurrection, de jeunesse et d’enthousiasme qui s’accomplit chez nous au XIIIe siècle !

Nous terminerons ici cette digression déjà trop longue ; résumons- la seulement en quelques mots.

Une classification chronologique des monumens du moyen-âge, en France, n’est pas une œuvre chimérique.

Les bases de cette classification sont jetées, il ne s’agit que d’achever ce qui est commencé. Seulement, toutes les époques ne se sont pas jusqu’ici également bien prêtées aux investigations de la science.

Ainsi, depuis la chute de l’empire romain jusqu’à l’apparition des premières ogives, la classification semble à peine ébauchée, tant elle est vague et générale ; les deux derniers siècles de cette longue période présentent seuls un peu de précision et de clarté.

Depuis la naissance de l’ogive jusqu’à la fin de l’époque de transition, l’obscurité redouble, la science hésite, et l’hypothèse et le roman se donnent libre carrière.

Mais, à partir du jour où l’ogive devient souveraine, une ère nouvelle commence : l’ordre et la régularité d’un système donnent à la classification chronologique des fondemens solides et sûrs ; l’observation scientifique suit des jalons certains ; des indications précises ne permettent plus de se méprendre sur la moindre nuance, sur le moindre détail ; chaque édifice nous raconte lui-même son histoire, et, eût-il été bâti à dix reprises différentes pendant ces trois siècles, il nous laisserait clairement apercevoir où commence et où finit chacune des phases de sa construction.

C’est là ce que nous voulions établir. C’est pour obtenir cette démonstration que nous avions un moment quitté notre sujet. Retournons maintenant à Notre-Dame de Noyon.


L. VITET.