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modifié, à cette époque, d’abord par l’addition d’un collatéral autour du chœur addition nécessaire dans toutes les églises à plusieurs nefs ; en second lieu par le changement de la forme du chœur lui-même dont l’extrémité, jusque-là semi-circulaire, devient toujours et nécessairement polygonale. Mais, quelle que soit l’universalité de ses modifications dans les plans, elles peuvent ne paraître que d’une importance secondaire. Ce n’est pas sur le sol des églises, c’est sur leurs parois qu’il faut jeter les yeux pour apercevoir aussitôt les caractères généraux et invariables dont on voudrait en vain contester la présence.

D’abord toutes les ouvertures, tous les vides se terminent en arc brisé, en ogive. C’est là une règle absolue. Que si une fois entre mille, comme à Notre-Dame de Metz par exemple, on voit un arc à plein cintre se glisser au milieu d’innombrables ogives, c’est une de ces exceptions imperceptibles qui sanctionnent les règles au lieu de les infirmer. Ce qui est certain, c’est qu’avec le XIIIe siècle l’emploi de l’ogive devient exclusif non-seulement dans les églises, mais dans tous les autres édifices. On n’ouvre plus une fenêtre, on ne pratique plus une porte dans une construction quelconque, sans leur donner la forme aiguë. Un fait aussi universel peut-il n’être qu’un accident et un caprice ? S’il était question de ces monumens qu’on rencontre en d’autres temps et en d’autres pays, monumens où quelques arcades a ogives apparaissent comme par hasard et égarées, pour ainsi dire, au milieu d’arcs à plein cintre ou d’ouvertures à angles droits, il serait juste et raisonnable de ne voir dans l’emploi de cette forme qu’une fantaisie capricieuse ; mais ici ce sont toutes les ouvertures sans exceptions qui se terminent en pointe, et non-seulement les portes, les arcades et les fenêtres mais les voûtes et jusqu’aux fondations elles-mêmes. L’édifice tout entier est moulé sur cette forme ; elle lui est inhérente ; elle compose sa structure, son organisation, son ossatura. Sans elle il ne serait pas.

Ainsi voilà déjà une première loi générale qui caractérise l’architecture du XIIIe siècle. Il en est une seconde non moins importante. L’ogive n’est pas seulement employée exclusivement dans toutes les productions de cette architecture ; elle y affecte une forme déterminée ; sa base, c’est-à-dire son ouverture inférieure, est égale à chacun de ses deux côtés latéraux, ou, en d’autres termes, elle procède du triangle équilatéral. Cette forme est évidemment la perfection de l’ogive, comme la figure géométrique qui l’a produit est la plus parfaite des figures triangulaires. Au XIIe siècle, lorsque l’ogive est à sa naissance, et commence à se substituer au plein cintre, sa base est généralement