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On ne sait si l’empereur, même avec de bonnes intentions, pourra suffire aux exigences d’une tâche qui réclame le concours d’une haute intelligence et d’une ferme volonté. Il serait téméraire de vouloir résoudre aujourd’hui cette question. Jusqu’ici, don Pedro n’a point encore exercé l’influence que les formes constitutionnelles accordent au souverain assez habile pour maîtriser les partis ; il n’a manifesté d’autres tendances politiques qu’un vif attachement aux privilèges anciens que les rigoureuses prescriptions de l’étiquette suivie à la cour de Portugal ont introduits au Brésil. Étranger à tous les partis, il voit un ministère succéder à un autre sans regret comme sans plaisir. Aucune occasion ne s’est offerte de juger les tendances politiques du souverain.

Si nous passons de l’empereur aux ministres, nous trouverons les plus hautes prétentions unies presque invariablement à l’incapacité. Je ne pourrais citer aucun homme d’état digne de ce nom parmi les différens ministres qui ont eu la direction des affaires au Brésil. S’il y avait dans cet empire un seul ministre capable d’apprécier la situation des différentes provinces, de comprendre en quoi leurs intérêts, leurs besoins se distinguent, et d’appuyer sur des faits une direction politique et administrative, la situation du Brésil pourrait sans nul doute se modifier heureusement, mais l’ignorance absolue des chefs du gouvernement ne leur permet pas de remplir cette noble mission. Mal éclairés sur les besoins du pays, ils voient renaître sans cesse des révolutions de provinces auxquelles un emploi intelligent de l’autorité pourrait seul mettre un terme. Ainsi se prépare une crise qui, dans une époque plus ou moins éloignée, semble devoir amener la dissolution d’un empire où s’agitent tant d’intérêts divers Cette crise, qui l’empêchera ? L’influence de l’empereur est nulle, aucun système politique n’est adopté par les ministres ; les chefs des partis qui arrivent aux affaires détruisent tous les actes de l’administration précédente, uniquement pour satisfaire, par ces changemens inutiles, un amour-propre puéril et tracassier. Les ministres qui aspirent à la popularité ne s’accordent que sur un point, c’est de faire des concessions à l’orgueil national, toujours inquiet, toujours en défiance. Ce désir de popularité les pousse même à d’étranges imprudences vis-à-vis de l’Europe, et aux embarras intérieurs viennent se joindre souvent des complications fâcheuses dans les rapports avec les puissances étrangères. Le ministère fut renversé en 1843 sur une question d’étiquette. Une longue et irritante polémique entre le grand-maître du palais et le ministre de la guerre avait suivi la réception de sir Henri Ellis, envoyé extraordinaire du gouvernement anglais.