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a été publié. Le lieutenant Smyth a consacré plus de huit mois à terminer cette entreprise difficile ; le lieutenant Lister, au lieu de partir de Lima pour s’embarquer sur le Mallaya, s’est rendu par mer à Truxillo et de là à Balsa-Puerto ; il a suivi le cours du Chaciguco et a pu achever son excursion en sept mois. Toutes ces entreprises de l’Angleterre devraient stimuler notre ardeur. La colonie de Cayenne pourrait devenir le centre de missions qui étendraient dans ces vastes contrées notre influence morale et politique. Le Brésil refuse d’exercer une autorité protectrice sur les malheureux restes de l’ancienne population du pays. Redoutant les Indiens, il tolère toutes les violences exercées contre des tribus inoffensives, il va même jusqu’à autoriser un abominable trafic. Des missions établies sur les limites de la Guyane sauveraient de la destruction cette race infortunée ; l’Europe aurait enfin des représentans dignes d’elle sur cette terre, livrée à l’exploitation combinée de la ruse et de la force. Les Indiens, au lieu de retourner à l’état sauvage, au lieu de fuir dans leurs forêts inaccessibles, viendraient sur notre territoire comme dans un asile inviolable, et apprendraient, sous la tutelle de la France, à aimer la civilisation, que des hommes cruels leur font détester.

Telles étaient les réflexions qui m’occupaient pendant mon séjour au Para. Je voyais avec surprise une population qui semblerait appelée à répandre la civilisation parmi les Indiens contribuer par ses violences aveugles au retour de l’état sauvage. Le sentiment pénible causé par la maladroite cruauté des autorités de l’empire fut la dernière impression que je reçus au Brésil. Après un mois de séjour au Para, je m’embarquai sur la goélette la Jeune Adèle, qui devait me ramener à Cayenne.


VII - RAPPORTS DU BRESIL AVEC L'EUROPE. – DIFFICULTES INTERIEURES. – CONCLUSION

J’eus tout le loisir, pendant la traversée, de résumer les jugemens que j’avais formés sur le Brésil, et j’arrivai à une triste conclusion c’est que les difficultés contre lesquelles se débat aujourd’hui l’empire tendent à se compliquer de plus en plus. Parmi ces difficultés, une des plus importantes est la question des limites, qui éternise l’irritation et les intrigues sur les frontières de ce vaste pays. L’origine des différends élevés à ce sujet entre le Brésil et les puissances européennes remonte à l’origine même de l’empire. L’Espagne, la France et l’Angleterre ont eu tour à tour à soutenir avec le Brésil des discussions