Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terre, près d’un môle construit il y a peu d’années. Je me hâtai de me rendre chez un négociant portugais, M. da Costa, qui avait bien voulu m’offrir l’hospitalité, car aucun hôtel n’existe à Belem, et il faut recourir à l’obligeance des habitans pour se procurer un asile. On évalue à douze mille ames la population de la capitale du Para. L’occupation de cette ville par les Indiens en 1835 lui a porté un coup dont elle ne s’est jamais relevée. Depuis cette époque, les habitans vivent dans des terreurs continuelles. L’invasion des Indiens semble toujours imminente. Pourtant, de l’aveu même des habitans de Belem, les Indiens ont exercé moins de ravages que les troupes brésiliennes destinées à réprimer la révolte. Les sauvages, facilement satisfaits, respectaient ceux qui ne leur résistaient pas, tandis que les chefs brésiliens dépouillaient indistinctement amis et ennemis. On s’étonne moins, de l’attitude inquiète de la population quand on songe à quelles mains l’administration de la province est confiée. Il avait suffi, me dit-on, d’une mauvaise plaisanterie pour porter le président à déserter son poste. On l’avait menacé par écrit de lui faire en armes une visite de carnaval. Le pauvre fonctionnaire perdit la tête et alla demander refuge à bord d’un brick de guerre mouillé dans le port ; ce n’est qu’après deux jours passés dans cet asile qu’il se décida à rentrer dans son palais. Remis de sa frayeur, il prétendit avoir reçu avis d’un mouvement révolutionnaire.

Malgré le danger toujours présent d’une invasion des Indiens, la capitale du Para est un séjour assez agréable. Il règne dans les relations sociales une cordialité, une gaieté qui ne sauraient nulle part être mieux goûtées qu’au Brésil. Chaque semaine, un bal est donné par un des négocians. Pour éviter les rivalités de toilette, une robe de mousseline est le costume exigé, et on ne permet que quelques rafraîchissemens. Des orages journaliers vous condamnent à garder la chambre pendant l’après-midi. Les pluies commencent à deux heures et finissent à quatre. On ne sort que le matin et le soir quelques promenades entourent la ville ; mais si l’on veut jouir plus complètement de la belle nature du Brésil, il faut s’éloigner un peu des maisons, et bientôt on se trouve sous les magnifiques ombrages des forêts vierges. Outre le charme pittoresque, cette situation présente des avantages matériels qu’une population plus industrieuse que celle de Sainte-Marie saurait vite apprécier. La variété des bois de construction qui croissent sur les bords de l’Amazone est prodigieuse ; mais les ressources qu’offrent, ces belles forêts ne stimulent pas l’activité des habitans du Para. Une frégate en construction