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IV. — MARAGNAN ET LE PARA. — LA POPULATION INDIENNE.

Un séjour de quelques semaines à Fernambouc m’avait permis de recueillir sur la ville et les habitans tous les renseignemens que je désirais. Il me restait, pour compléter mon voyage, à visiter Maragnan et le Para. Je m’embarquai, le 29 mars 1843, sur un paquebot brésilien, le San-Salvador. Le capitaine était un bon aubergiste allemand auquel, on avait confié, je ne sais trop pourquoi, le commandement d’un steamer. Craignant les récifs, il s’éloigna des côtes. A quelque distance de Céara, une des machines se brisa ; nous n’avions plus qu’une roue pour avancer. Nous passâmes tout un jour en vue de Céara ; enfin, le soir, nous pûmes mouiller dans la rade. Céara, où nous descendîmes, et où il fallut passer trois jours à faire réparer notre machine, est la capitale de la province de ce nom. La ville compte dix mille habitans ; elle se compose de quelques maisons à un seul étage, séparées par des rues pleines de sable ou de boue, selon la saison. La richesse des habitans consiste en troupeaux, le commerce en exportation de cuirs et de viande. Des correspondans de maisons anglaises et allemandes, établis à Céara, surveillent la distribution des marchandises qu’ils envoient à leurs associés. Le sol est aride sur toute la côte, mais fertile et montagneux dans l’intérieur : de riches pâturages, des forêts magnifiques, de nombreuses rivières, font de cette province inhabitée un séjour délicieux. On n’en peut dire autant de la ville, où j’attendis fort tristement le terme de notre halte forcée, malgré l’aimable hospitalité que m’avait offerte un jeune Français, envoyé d’une maison de commerce de Fernambouc. Il fallait se contenter, pour toute distraction, de quelques courses dans les sables qui environnent Céara, ou d’une promenade à pied sur la grande place. Là, du moins, je pouvais observer la tenue des troupes brésiliennes, j’assistais à l’exercice des conscrits, pauvres paysans maltraités sans motif par les officiers, et qui semblaient n’attendre qu’un moment favorable pour déserter. Vers la fin du jour, quand la fraîcheur de l’air attirait les habitans hors des maisons, il se formait dans la rue des réunions assez animées ; souvent on voyait le passant s’arrêter au milieu d’un de ces groupes et se mêler à la conversation commencée. Les femmes, moins sauvages à Céara que dans les autres cités du Brésil, prenaient une part active à ces causeries en plein air qui égayaient un peu chaque soir la sombre physionomie de la ville.

La machine du paquebot étant enfin réparée, nous pûmes nous