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à détruire ces habitudes de routine qui rendent infructueuses les terres les plus fertiles.

Les environs de Fernambouc sont assez boisés ; une des îles formées par le Capivari est entièrement couverte de cocotiers. A partir de la côte, le sol s’élève graduellement, et la population diminue. Les terrains humides situés sur le bord de la mer sont impropres à la culture ; les terrains élevés, qu’on désigne sous le nom de Sertaon, sont d’une aridité déplorable. Pendant des jours entiers, vous errez dans les plaines du Sertaon sans rencontrer une source pour étancher votre soif. Le sol qui environne Fernambouc étant peu accidenté, les Brésiliens ont pu entretenir les routes construites autrefois par les Hollandais, routes fort belles, mais qui ne peuvent suffire aux besoins de la province, car elles ne s’étendent que dans un étroit rayon autour de la ville. Ce n’est pas seulement dans ces travaux que la Hollande a marqué son passage : la construction des maisons, l’ensemble régulier et propre des différentes divisions de la ville, tout concourt à vous faire oublier le Brésil ; on se croit transporté dans une ville néerlandaise, et l’illusion ne cesse qu’à la vue des nègres accablés de fardeaux, ou des hommes du Sertaon, venus quelquefois de cent lieues de l’intérieur, sur des chevaux efflanqués, avec un chargement de coton. Les mœurs sont, dit-on, moins faciles à Fernambouc qu’à Bahia ; mais la société offre aussi moins de charme. Les Brésiliennes ne sortent qu’au point du jour pour se rendre à la messe ; une fois rentrées chez elles, on ne les aperçoit plus. Elles dorment couchées dans des hamacs. De telles mœurs sont incompatibles avec les relations du monde. Fernambouc a un théâtre, mais pas d’acteurs. La vie est des plus maussades dans cette ville, où règne une chaleur accablante, quand la saison des pluies n’interrompt pas toute activité. Je n’y pus fréquenter d’autre société que celle des consuls, des négocians français ou allemands, et des ingénieurs employés par le gouvernement brésilien.

Les femmes n’exerçant aucune influence, les rapports des maîtres avec leurs esclaves se sont multipliés. J’ai entendu citer des traits d’une révoltante inhumanité. Des hommes vendaient les esclaves dont ils avaient abusé et qui devenaient enceintes ; d’autres vendaient la mère et gardaient l’enfant. Ces abus, dont l’opinion publique devrait faire justice, sont au contraire approuvés de tous. Je n’ai jamais entendu un Brésilien blâmer les excès de pouvoir d’un planteur, il en parlait comme de faits tout naturels. On croirait volontiers que le sens moral manque à cette population. Ce qui surprend chez elle, c’est moins une méchanceté profonde que l’ignorance du bien et du mal. Le libertinage