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muni d’une autorisation du consul. Le Marabout fut ramené à Bahia : le consul protesta contre l’arrestation ; mais avant qu’il eût pu obtenir la liberté des passagers et de l’équipage français, le capitaine Christie partit pour Rio-Janeiro, afin de s’assurer l’approbation de ses chefs, et ceux-ci, sans autre information, envoyèrent à Cayenne le bâtiment français pour que justice fût faite. Ce qu’on voulait fut obtenu, justice fut faite, car on condamna le capitaine anglais à des dommages-intérêts mais ce n’était qu’un faible dédommagement pour les souffrances qu’il avait imposées aux passagers d’un équipage français injustement détenus. Le gouvernement britannique sembla même vouloir indemniser le capitaine Christie ; on ne le rappela qu’en lui accordant de l’avancement.

L’arrogance des officiers anglais chargés de réprimer la traite est une cause toujours renaissante de pourparlers et de complications. Le capitaine Nott, commandant du Partridge, avait vu un bâtiment suspect entrer à Sainte-Catherine, mais il n’avait pu le visiter. Il se présente devant les autorités brésiliennes, et les somme de lui livrer le bâtiment avant la nuit, sinon il tirera sur la ville. Les autorités indignées protestent contre cette violence et refusent d’obéir. Le pauvre capitaine en fut pour sa colère, il dut se retirer sans même avoir exécuté sa menace. Cette attitude hautaine des commandans des croisières anglaises indispose, on le comprend sans peine, toute la population du Brésil, et l’Angleterre, au lieu d’atteindre son but, s’en éloigne, car ces manifestations maladroites ne servent qu’à provoquer une sourde résistance. Il y a d’ailleurs une contradiction flagrante entre les prétentions de l’Angleterre et la conduite de ceux qui la représentent au Brésil. Outre les compagnies anglaises qui possèdent des esclaves ; on voit les agens de l’Angleterre et ses négocians acheter, pendant leur séjour dans l’empire, des noirs qu’ils vendent à leur départ. Le ministre d’Angleterre à Rio-Janeiro n’est servi que par des esclaves ; il lui serait facile de s’entourer d’hommes libres, mais leur service serait plus coûteux, et la philanthropie doit se taire devant le bon marché. Quelle autorité peuvent avoir les représentations de M. Hamilton contre un abus dont ce ministre profite tout le premier ? Le résultat le plus positif des croisières anglaises est de procurer d’immenses bénéfices aux bâtimens de guerre qui y sont employés. Aussi les capitaines ne pensent-ils qu’à faire fortune ; ce qu’ils poursuivent avant tout ; c’est l’indemnité qu’on leur alloue comme récompense ; si l’on supprimait l’indemnité, s’ils n’avaient plus qu’à exécuter les ordres de leur gouvernement, on aime à croire que, moins éblouis par l’appât du gain, ils agiraient avec plus de dignité et de prudence.