Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/881

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doivent franchir, pour arriver à Callao, un chemin rapide, dangereux, et il y avait un an à peine, à l’époque de mon voyage, qu’un canot chargé avait péri avec trois bateliers. Du reste, le mouvement du commerce est peu important ; vingt canots sont employés à cette navigation qui exige six jours pour descendre, et dix-huit à vingt pour remonter le fleuve. Le prix d’un canot, avec trois bateliers, varie de deux cents à deux cent cinquante francs. Si l’on calcule qu’un canot, avec trois hommes, ne peut guère à la remonte porter plus de deux tonneaux de marchandises encombrantes, on comprend que tous les articles expédiés par mer de Bahia à Belmonte, et de Belmonte à Callao par le Salto, doivent revenir fort cher. Il faudrait que les canots n’eussent qu’à transporter des articles de grande valeur et de peu de volume pour qu’il y eût avantage à les expédier par cette voie dans l’intérieur de la province, à Minas-Novas et à l’arroial du Grand-Mogol ; mais, le chargement consistant presque toujours en sel, la navigation n’offre aucun bénéfice : aussi se trouve-t-elle limitée par les besoins restreints d’un district médiocrement peuplé. En revanche, l’éducation des bestiaux, dans ces terrains humides et souvent inondés par le Jequitinonha, procure quelques avantages. Les bestiaux, engraissés sans peine, sont envoyés à l’arroial du Grand-Mogol, et vendus quelquefois deux cents francs, rarement moins de cent francs, somme considérable pour ces provinces où l’argent manque, et où tout le commerce se réduit à des échanges.

J’avais envoyé à la chambre municipale de Minas-Novas l’ordre du président Bernardo ; de la Vieja, qui lui enjoignait de mettre à ma disposition un canot pour me conduire au Salto. L’ordre fut exécuté ; je vis arriver à Tocayos un canot et trois bateliers. Mon voyage se trouvait ainsi facilité ; je n’avais plus qu’à me munir de quelques provisions pour descendre le fleuve, car on m’assurait qu’il n’y avait aucune habitation sur les rives. Après quelques jours de repos, employés en préparatifs de navigation, je dus prendre congé de mon hôte José Muerta, et je montai dans mon canot. Deux ou trois peaux de bœuf, soutenues par des cerceaux, formaient au-dessus de ma tête une tente assez commode. Mon canot pouvait avoir trente pieds de long sur deux pieds et demi de large. Un canotier placé sur l’avant dirigeait avec une rame ; les deux autres, toujours debout, ramaient en chantant. Don José Muerta ne voulut me quitter qu’après m’avoir accompagné jusqu’au confluent de l’Arasuahy ; il me montra en chemin une chapelle qu’il faisait construire. Il espérait attirer quelques habitans et former un village, dont la situation offrirait plus d’avantages que celle de Callao. C’est à regret que je quittai cet homme, qui m’avait reçu avec