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les difficultés qui retardent toujours le voyageur sur les routes mal frayées du Brésil. Le voyage de Cocaës à Conceicao dura quatre jours. Partant au lever du soleil, ne m’arrêtant que peu d’instans pendant la chaleur du jour, il m’arrivait souvent, après une marche de dix heures, de n’avoir fait que sept ou huit lieues de pays, tant les chemins sont affreux. Partout mes chevaux enfonçaient jusqu’au poitrail dans une boue épaisse, et, pour les retirer, il fallait descendre à chaque instant et m’enfoncer moi-même dans la bourbe du chemin. Je n’avais pas d’ailleurs les dédommagemens qu’offrent en d’autres endroits du Brésil les beautés variées du paysage ; je ne voyais autour de moi que des collines d’un aspect triste et monotone. Les habitations ne se succédaient qu’à de longs intervalles. Çà et là je rencontrai des champs invariablement plantés de maïs ou de haricots ; de nombreuses rivières croisaient la route et multipliaient les obstacles, car le plus souvent il fallait les traverser à la nage. Les villages sont en harmonie avec le paysage ; le premier où je passai, Itambé, est connu par une litanie devenue proverbiale dans le Brésil :

De miseriis d’Itambé libera nos, Domine.


Cependant l’aspect d’Itambé ne me sembla pas justifier tout-à-fait sa réputation. Ce village me parut moins effrayant de misère que beaucoup d’autres ; seulement le sol ferrugineux qui s’étend sur les deux rives du Rio-Itambé repoussant toute végétation, le village se trouve encadré par des rochers noirâtres, d’un aspect sévère, qui ferment tristement l’horizon. D’Itambe je me rendis à une ferme (farenda) qui appartenait à un frère du colonel Martins, autrefois chef des rebelles et honoré d’un haut grade par le baron Caxias, pour avoir trahi la cause des insurgés. Mon hôte ne semblait pas désapprouver la conduite de son frère ; je recueillis dans sa conversation de curieux renseignemens sur les richesses du sol environnant. L’entretien de sa ferme révélait une direction intelligente. Le laitage servait à faire des fromages qu’on recherche dans toute la province. Un moulin destiné à broyer le maïs était mis en mouvement par la rivière voisine. Il est rare de rencontrer au Brésil des habitans qui sachent se créer une certaine aisance par une sage exploitation de leur domaine.

Gaspar Soares, où je passai après avoir quitté M. Martins, est le siège d’une fonderie établie par le gouvernement. Le minerai de fer se trouve en abondance dans les montagnes voisines ; mais on n’a pas su exploiter ces richesses naturelles, et les travaux ont dû être abandonnés faute d’une administration régulière. Le gouvernement ne parvenait pas à