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Branca, paraissent jouir de quelque aisance. La plupart sont des muletiers qui font le voyage d’Itabira à Rio-Janeiro, ou transportent les bois et charbons nécessaires à l’exploitation de la mine. Je m’attendais, en approchant de la mine de Calta-Branca, à voir s’élever devant moi une de ces montagnes dont l’aridité annonce ordinairement des veines fécondes. Je fus agréablement surpris, au contraire, quand je vis les jolis bâtimens de la compagnie anglaise qui surmontent une montagne couverte de fleurs et de verdure. Devant moi s’élevaient en amphithéâtre cinq grandes roues à brocards d’un aspect vraiment pittoresque. Je me crus transporté dans une de nos belles usines d’Europe, en entendant le bruit inaccoutumé de ces puissantes machines hydrauliques établies à grands frais par la compagnie anglaise dans une des plus admirables positions du Brésil. La source qui met en mouvement ces machines n’est rendue à son cours naturel qu’après avoir servi au lavage du minerai. Même alors l’eau est encore utilisée par les nègres esclaves de la compagnie, elle sert à l’irrigation des jardins qu’on leur a abandonnés pour leur usage. Ces jardins, où ils cultivent presque tous les légumes d’Europe et ceux du pays, sont parfaitement entretenus par les pauvres nègres, qui montrent avec fierté leur petit domaine.

L’ensemble des bâtimens d’exploitation et de tous les travaux extérieurs prouve que les directeurs de la compagnie anglaise de Calta-Branca ont le pouvoir et la volonté de bien faire. On doit regretter que les travaux intérieurs aient été conduits avec peu d’intelligence. Lorsque je descendis dans la mine, je fus étonné de voir des voûtes de vingt-cinq et trente pieds de largeur suspendues au-dessus de la tête des travailleurs sans que rien fût projeté pour prévenir un éboulement. Les travaux sont conduits dans une seule direction. Tant que la veine actuelle se prolongera, rien de mieux ; mais aussitôt qu’elle se trouvera interrompue, il faudra des dépenses considérables pour retrouver une autre veine. En visitant les travaux avec l’ingénieur en chef, qui venait des mines de Cornouailles, je me permis quelques observations sur le danger qu’il y avait à exploiter la veine sur une largeur de trente pieds. Il me répondit avec une assurance naïve : « Je ne pense pas qu’en France ou en Allemagne il y ait des hommes qui s’entendent aussi bien que nous à l’exploitation des mines. » Le fait est que les compagnies anglaises, au lieu de confier leurs intérêts à des hommes spéciaux, à des géologues instruits, ont envoyé au Brésil des capitaines-mineurs assez intelligens sans doute pour continuer des travaux déjà commencés, mais incapables de diriger avec succès l’exploitation