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désirer, c’est l’exactitude ; c’est que le dépôt, si faible qu’il soit, engagé le lundi se renouvelle le lundi suivant. Or, pour favoriser cette répétition et cette continuité d’efforts, il serait nécessaire de faire entrevoir, derrière les courageuses privations du moment, un avenir à l’homme du peuple. Aujourd’hui, il faut le dire, cet avenir est peu propre à stimuler son ambition. Le compte de tout individu se trouvant arrêté à 3,000 francs, chacun retire cette somme de la caisse, lorsqu’elle cesse de marquer pour les intérêts. Quel emploi en fera-t-il ? La caisse ne s’en mêle plus alors, son rôle est fini ; seulement, pour dernier bienfait, elle acquitte, si le propriétaire y consent, les frais d’un contrat de rente sur l’état. Au prix où est la rente, 3,000 fr. représentent 130 francs de revenu annuel, qui donnent 15 sous par jour, c’est-à-dire une ressource presque dérisoire contre les besoins de la vieillesse. On voit donc que la caisse d’épargne laisse encore beaucoup à désirer comme institution tutélaire. Gardons-nous cependant de nier les services qu’elle rend ; la meilleure preuve que le peuple y trouve un avantage, c’est qu’il y vient. Dans cette phase industrielle où nous sommes, le travail se voit chaque jour menacé par des découvertes nouvelles ; chaque jour, des machines suppriment des milliers de bras et remettent en question à l’improviste des existences alarmées. Cette lutte de l’homme avec la matière pour l’asservir et pour dégager les forces morales de la pesanteur des élémens mérite sans doute notre admiration ; mais nous n’avons à la considérer ici que dans ses effets passagers. Ces travailleurs, remplacés par des mécaniques, sont contraints de renouer leur activité à une autre industrie. Il en résulte pour eux des momens de transition pénibles, dans lesquels ils sont heureux de retrouver à la caisse d’épargne le fruit de leurs salaires passés. Acceptons donc cette institution pour ce qu’elle est, une réserve contre l’adversité, en souhaitant toutefois de la voir devenir par la suite une caisse de secours étendus à toute la vie.

Nous ayons déjà vu que la classe des ouvriers et celle des domestiques fournissent les principaux élémens à l’existence de la caisse d’épargne de Paris. Il est possible d’aller plus loin : nous devons à M. A. Prevost, agent général, un relevé statistique des professions qui figurent sur les livrets. Il est intéressant de savoir d’abord lequel des deux sexes l’emporte sur l’autre en économie ? Malgré l’infériorité des salaires, le sexe faible est celui qui, toute proportion gardée, met le plus à la caisse d’épargne ; on voit donc que l’exemple de l’ordre, de la prévoyance et des sages privations vient encore ici du côté de la