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d’employés. Ces résultats généraux sont dus à M. Agaton Prevost, qui a su créer pour les versemens et les remboursemens un mécanisme simple et facile. Les connaisseurs regardent ses travaux en ce genre comme un chef-d’œuvre de comptabilité. On comprendra l’importance de cette œuvre, quand on saura que les versemens montent aujourd’hui à un million par semaine, et qu’ils sont effectués par plus de six mille personnes. Le bureau central reçoit les dépôts, le dimanche et le lundi de chaque semaine, depuis dix heures jusqu’à deux. Nous avons eu la curiosité de faire le guet à la porte, de la caisse, pendant les jours de recette, pour étudier la physionomie de la classe à laquelle appartenaient ces citoyens économes. Nous y avons vu une population mêlée ; cependant nous croyons vrai de dire qu’en général les cliens qui hantent le bureau de la banque de France s’élèvent vers les classes aisées. Il n’en est pas de même dans les autres bureaux de la capitale.

Outre l’hôtel de la rue Coq-Héron, dans lequel la caisse d’épargne de Paris a établi ses bureaux, et le local provisoire de la rue de la Vrillière, que la banque de France prête depuis longues années à l’institution, il existe dix succursales ou bureaux de recette ouverts deux jours par semaine durant quelques heures, et presque tous annexés à la mairie des divers arrondissemens. Ces succursales ont été créées en vue de la classe ouvrière, pour laquelle le temps est le plus précieux des capitaux ; on a voulu lui éviter ainsi des démarches et des dérangemens considérables qui l’auraient dégoûtée de placer ses économies. Ces bureaux auxiliaires ne suffisent pas encore, il faut le dire, aux besoins de l’épargne chez les travailleurs. Il en résulte que plusieurs d’entre eux, dans la crainte d’une perte de temps, ne se décident qu’une ou deux fois par année à se mettre en marche pour verser dans les mains de l’institution le fruit de leur bonne conduite. Il est consolant de voir cette population ouvrière, qu’on représente si souvent comme esclave de ses appétits et de ses convoitises, avoir assez de sagesse ; assez d’empire sur elle-même, assez d’habitude et de pratique de l’économie, pour écarter l’attrait des dépenses frivoles et pour conserver à domicile durant plusieurs semaines, souvent même durant plusieurs mois, les deniers qu’elle a prélevés jour par jour sur son modique salaire. Néanmoins cette somme, acquise à la sueur du front, court d’autant plus de risques de se dissiper, qu’elle se trouvent plus à portée de la main. Quand le lundi, la banlieue, la fête du compagnonnage, le beau temps, le sexe tendre, ou tout autre diable poussant, on n’a qu’à introduire la clé dans une armoire, afin d’en retirer du bon argent tout prêt, il faut vraiment avoir le cœur armé d’une triple cuirasse