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l’honneur de cette création ; mais les caisses d’épargne, si l’on peut leur donner ce nom, qui existaient, depuis un grand nombre d’années, dans le pays, étaient complètement inconnues au dehors : il ne serait jamais venu à personne l’idée d’aller les chercher là, et, de plus, le système sur lequel elles étaient fondées méritait peu de trouver des imitateurs. Par une force d’attraction peu commune, l’institution, à peine établie en Angleterre, fut exportée en France ; deux années lui suffirent pour traverser le détroit : 1816 avait vu fonder la première caisse d’épargne à Londres, 1818 vit naître la caisse d’épargne de Paris.

Nous devons arrêter un instant nos regards sur ces caisses d’épargne d’Angleterre, qui ont servi de modèle aux nôtres ; leur but fut celui-ci : ouvrir, aux plus basses classes de la société un lieu de dépôt pour leurs petites économies, en leur accordant, chaque mois, un intérêt raisonnable, et en leur laissant d’ailleurs toute liberté de retirer leur argent, en tout ou en partie, à quelque époque que ce soit. Un écrivain français signala, en 1817, le système d’organisation de la caisse d’Edimbourg, qui était et qui est encore la plus importante des trois royaumes. On y reçoit toute somme au-dessus d’un shelling ; mais, quand la masse des dépôts d’un individu s’est une fois élevée, à 10 livres sterling (dix louis), on lui ouvre alors un crédit équivalent sur une forte maison de banque, et la caisse d’épargne continue d’enregistrer, comme par le passé, ses économies. Les résultats de ces petits placemens sont plus considérables qu’on ne l’imaginerait d’abord : une épargne de 2 shellings par semaine, continuée exactement pendant vingt années, s’élèvera à un capital de 104 livres 12 shellings (2,510 fr. 50 c.) ; ce qui, avec les intérêts, calculés sur les statuts de la banque d’Édimbourg, donne une somme de 157 livres sterling (3,768 francs). Les caisses d’épargne, comme on le voit, ont donc été fondées sur ce double principe, que les petits courans forment les grands fleuves, par suite des accroissemens continus, et que le moyen de toute amélioration dans la condition matérielle des hommes, c’est le sacrifice des convoitises du moment au bien-être de l’avenir.

Le dimanche 15 novembre 1818, un certain nombre de banquiers, à la tête desquels se trouvait M. Benjamin Delessert, sous la présidence de M. le duc de Larochefoucauld-Liancourt, ouvrirent la première caisse d’épargne française, qui rencontra plus d’un genre d’obstacles. Le gouvernement d’alors envisageait avec une sourde défiance les progrès d’une institution qui contrariait ses desseins ; loin de rien faire pour propager les secours de la prévoyance, il employa