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prison. Elle vend leur travail à un spéculateur qui en traite au meilleur marché possible, et qui, au moyen d’une tache imposée et des moyens de coercition que lui accorde l’administration, s’efforce d’en tirer le plus grand parti. Certainement, c’est là le travail esclave, et peut-être n’aurions-nous pas à le blâmer, s’il ne venait pas s’interférer avec le travail de l’homme libre. Des travaux rudes et grossiers, dont l’extension est indéfinie, n’offrent aucun inconvénient, n’amènent aucune perturbation si la société y applique les criminels ; mais le réclusionnaire qui travaille le cuivre, le marbre, fait des gants ou d’autres articles usuels, réduit, par sa position, le salaire de l’ouvrier qui lui fait concurrence : c’est exactement le travail esclave en présence du travail libre.

Les nombreuses colonies que la France avait semées sur le globe lui ont presque toutes été ravies. Dans son incurie inintelligente, elle a méconnu la valeur de celles qui lui restaient, et qui chaque année descendent un peu plus dans le cercle de misère qui leur est assigné. Personne ne s’occupe ni de les relever, ni de les remplacer, et quand des hommes forts et intelligens sont tentés d’essayer la fortune des contrées lointaines, tous reculent devant l’aspect misérable des pays qui appartiennent encore à la France. Quinze mille Français sont à Montevideo, et si le Mexique n’eût pas adopté des lois inhospitalières, on aurait peine à nombrer ceux de nos concitoyens qui l’habiteraient. Nos compatriotes vont partout, excepté où la France conserve son pouvoir ; ceux de race germanique et leurs voisins les Souabes se rendent de concert aux États-Unis. De grandes forces sont perdues pour la France sans que ce sacrifice lui conquière nulle part un seul point d’appui. Nous n’avons ni possessions lointaines, ni peuples barbares à gouverner ; notre situation commerciale exige d’autant plus d’études et de soins.

On n’obtient et on ne conserve des débouchés que par une activité et une surveillance de tous les jours. Si le progrès d’un rival se manifeste, il doit être combattu par un progrès égal ; il ne faut pas que le sommeil gagne la France. On fait le commerce chez elle, sans elle, sans s’inquiéter d’elle. Elle-même en prend peu de souci, et tout est dit quand on s’est mutuellement complimenté.

Nous n’avons pas à pénétrer dans le secret des délibérations du cabinet, mais là surtout l’esprit de suite et de tradition paraît manquer. Tantôt on néglige et on oublie les plus graves intérêts de nos relations commerciales anciennes ; puis, une circonstance surgissant, on se passionne et on s’engoue pour d’autres erremens. Un diplomate, déplacé,