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à toutes les populations de l’Amérique méridionale Sans doute le Brésil a de grandes ressources, le sol ne demande qu’à produire ; mais le rôle que voudrait jouer cette race portugaise dégénérée est-il bien à la mesure de ses forces ? Cette question que se pose le voyageur qui débarque à Rio-Janeiro, il ne tarde pas à la résoudre dans un sens bien contraire aux rêves de l’orgueil brésilien.

C’est sur la frégate la Gloire que je m’embarquai en novembre 1842, pour me rendre des rives de la Plata au Brésil. L’amiral Massieu de Clerval m’avait engagé à passer à son bord, et j’avais accepté, avec empressement cette offre aimable, qui m’assurait, outre les agrémens que présente la société de nos officiers de marine, l’avantage de voyager d’une manière à la fois plus rapide et plus comfortable que sur les goélettes anglaises qui font le service des dépêches entre Montevideo et Rio-Janeiro. La Gloire est une frégate d’une marche supérieure. Après une heureuse traversée de moins de huit jours, nous arrivâmes à l’entrée de la baie de Rio-Janeiro. J’eus tout le temps de contempler l’étrange aspect des montagnes qui entourent cette baie, et surtout le Coreoval, dont le sommet forme le profil d’une tête humaine : des vents contraires nous retinrent près de trois jours en vue de ces pics bizarrement découpés Enfin, après le coucher du soleil, nous pûmes doubler les châteaux placés des deux côtés d’un canal étroit dont la brise du large qui s’élève tous les jours pendant les chaleurs rend l’entrée facile, tandis que pour sortir il faut attendre la brise de terre, qui règne tous les soirs. La baie de Rio-Janeiro, à peine éclairée par les derniers reflets du soleil, ne produisit pas sur moi l’impression que j’avais cru éprouver. Cette baie est si vaste que le regard ne peut en embrasser l’étendue, vous restez indécis devant ces tableaux si divers qu’on cherche en, vain à grouper autour d’un point central ; ce n’est guère qu’à l’entrée de la baie qu’on peut saisir l’ensemble du paysage. La mer, dont les eaux tranquilles s’étendent jusqu’au pied des montagnes des Orgues, est parsemée de jolies îles. Le Pain de Sucre, le Coreoval, dominent un groupe de pittoresques collines. Quant à la ville de Rio, perdue dans l’espace, il serait difficile de juger de son importance, car les églises de la Gloria et de San-Theresa sont les seuls monumens que vous puissiez distinguer.

J’avais été fort effrayé des vexations imposées aux voyageurs par suite des minutieuses formalités des douanes. Je fus tout surpris lorsque, débarquant dans l’après-midi d’un jour de fête, je ne trouvai nul employé qui demandât à visiter mes effets. Le baron de Langsdorff, ministre de France, fut moins heureux à son arrivée à Rio-Janeiro.